TEMOIGNAGES ORAUX REALISES PAR LES ARCHIVES DEPARTEMENTALES DE L'ESSONNE - LE CRESSON EN ESSONNE.

Déplier tous les niveaux

Cote/Cotes extrêmes

13AV/1-42

Date

2004

Organisme responsable de l'accès intellectuel

Archives départementales de l'Essonne

Description physique

42 articles

Origine

DIRECTION DES ARCHIVES DEPARTEMENTALES (service producteur)

DIRECTION DES ARCHIVES DEPARTEMENTALES (service versant)

Modalités d'entrées

versement

Présentation du contenu

Cette collecte de témoignages oraux constitue une collection sur le thème du cresson et de la cressiculture. Elle faisait suite à une demande du PNR (Parc Naturel Régional du Gâtinais Français) qui souhaitait conserver et valoriser la mémoire des cressiculteurs de l'Essonne. 17 personnes ont été interviewées du 16 juin au 15 décembre 2004 par Christine Mathieu, archiviste oral aux Archives départementales de l'Essonne et par Yannick Le Chaudelec, chargé de mission au Parc Naturel Régional du Gâtinais Français (PNR). Elle représente 17 cassettes DAT et un témoignage uniquement sous forme écrite.

Les témoignages suivent un questionnaire pré-établi :

A) Présentation du témoin 1 - Nom, prénom et âge du témoin 2 - Etes-vous originaire de la région ? 3 - Quel métier exerçait vos parents ? 4 - Quels métiers avez-vous exercés autre que celui de cressonnier ? 5 - Avez-vous vécu ailleurs que dans la région?

B) Devenir cressonnier 1 - Quels sont vos premiers souvenirs liés au cresson ? Avez-vous grandi dans une cressonnière ? 2 - A quel âge avez-vous commencé à exercer votre profession ? 3 - Avez-vous eu le choix ? (si non, quelle autre activité auriez-vous voulu faire ?) 4 - Avez-vous été révolté de ne pas avoir eu le choix ?/ Etiez-vous heureux de pouvoir exercer cette activité ? 5 - Quelle scolarité avez-vous suivi ? (certificat d'étude, lycée, autres ?) 6 - Auriez-vous aimé faire des études ? 7 - Quelles sont les premières tâches que l'on vous a confiées dans la cressonnière ? 8 - Y-avait-il d'autres enfants/apprentis avec vous ? Quel âge ? 9 - Quelles étaient les conditions de travail lorsque l'on débute dans ce métier ?

C) Etre cressonnier 1 - Pouvez-vous nous raconter comment se déroulait une journée ordinaire sur une cressonnière ? 2 - Combien d'heures passiez-vous par jour au travail ? Temps de pause ? 3 - En quoi consistait le métier de cressonnier ? Y a-t-il de grandes différences avec aujourd'hui ? (gestes, outillages, langage..). Parlez-nous des paniers d'osiers, des genouillères, des planches à couper, des rouleaux à cresson, des cabanes et des abris (des rails Decauville). 4 - Combien étiez-vous à travailler sur la cressonnière ? 5 - Pouvez-vous nous expliquer quel type d'ambiance régnait sur les lieux (convivialité, animosité, rivalité, vie de groupe ou individualisme, ambiance familiale ?) 6 - Avez-vous en mémoire des journées qui vous ont marqués particulièrement (événement exceptionnel, hiver glacial, été caniculaire, autres) 7 - Avez-vous souffert de ce métier et comment faisait-on face à la pénibilité de la tâche ? 8 - Est-ce qu'il existe un parler spécifique aux cressonniers ? (patois, chansons) 9 - Quelles sont les images fortes qui vous restent de ce métier ?

D) Autour du cresson 1 - Quel place tenait la culture du cresson dans le village / canton ? 2 - Le métier de cressonnier était-il reconnu ? 3 - Avez-vous eu un rôle important au sein de la commune (maire, conseiller municipal, autres). Racontez-nous l'ambiance dans les conseils municipaux ? 4 - Vivait-on bien de la culture du cresson ? 5 - Pouviez-vous vous accorder des loisirs et si oui quels étaient-ils (bal, cinéma, congés payés, voyages). Est-ce que la Saint-Fiacre vous dit quelque chose ? 6 - Parlez-nous des fêtes du cresson (reine du cresson, chansons, rallye, stands commerciaux, produits vendus.) 7 - Restait-on exclusivement entre cressonnier également en dehors du travail ? 8 - Quelles relations entreteniez-vous avec le reste de la population du village ? Avec les agriculteurs ? 9 - Quelle image pensez-vous que les habitants se faisaient de vous ? 10 - Aviez-vous des relations avec les autres cressonniers de la région ? (rivalité, entraide, syndicalisme, mariage entre familles de cressonniers ?) Pouvez-vous nous raconter comment se déroulaient les réunions syndicales à Paris, en Essonne, dans le village ? 11 - Votre famille s'est-elle entièrement consacrée au cresson ? Recettes avec le cresson ? (origine, fréquence des repas au cresson) 12 - Comment s'organisaient la vente et la commercialisation du cresson, selon les époques ? Utilisation de moyens de transport (chevaux, chemin de fer, camions, vélos, motos). Changements apportés par le transfert des Halles de Paris à Rungis ? 13- Evolution de la demande et des consommateurs.

E) Conclusion 1 - Etes vous fier d'avoir exercé ce métier ? 2 - Quel regard portez-vous sur cette activité aujourd'hui ? 3 - Quels sont les grands changements que vous avez remarqués sur cette activité ? Les témoignages oraux originaux ont été enregistrés sur cassettes DAT et ont été transférés sur CD Audio qui sont les supports de communication et de conservation (13AV19-42).

Langue des unités documentaires

Français

LE CRESSON EN ESSONNE. SOUVENIRS DE MADAME MARCELLE DEBAUCHERON (Cerny).

Cote/Cotes extrêmes

13AV/1

Date

2004

Importance matérielle

01/30/00

Caractéristiques physiques

produit fini, DAT, Interview

Origine

DIRECTION DES ARCHIVES DEPARTEMENTALES (service producteur)

DIRECTION DES ARCHIVES DEPARTEMENTALES (service versant)

Présentation du contenu

SOUVENIRS DE MADAME MARCELLE DEBAUCHERON Le cresson à Cerny Réalisé par Christine Mathieu, archives départementales de l'Essonne et Yannick Le Chaudelec, Parc Naturel Régional du Gâtinais Français.

16/6/04

Marcelle DEBAUCHERON, née RAME est née le 22 novembre 1919 à Cerny. Ses parents et grand-parents étaient cressiculteurs à Cerny jusqu'à la seconde guerre mondiale.

Madame Debaucheron nous raconte ses souvenirs sur la culture du cresson à Cerny et le métier de cressiculteur.

I] Présentation du témoin Nom, prénom et âge du témoin Marcelle RAME (femme DEBAUCHERON), née le 22 novembre 1919 à Cerny, 24 avenue Pont de Villiers Etes-vous originaire de la région ? Oui De Cerny Mère originaire du Puy-de-Dôme Quel métier exerçaient vos parents ? Grand-père et Père : cressonniers à Cerny Mère : sans profession, mère au foyer Quels métiers avez-vous exercés autre que celui de cressonnier ? Elle a travaillé avec son mari dans un laboratoire du Bouchet (Vert-le-Petit) Avez-vous vécu ailleurs qu'à Cerny ? Oui A Vert-le-Petit II] Devenir cressonnier Avez-vous grandi dans une cressonnière ? Oui. Mais les femmes n'y travaillaient pas. Du moins cela était rare. Ma mère n'y travaillait jamais car elle n'aimait pas ce métier. Il y avait déjà trois hommes à la cressonnière (grand-père, père, frère), elle n'était pas nécessaire. Elle (Madame DEBAUCHERON) n'a jamais travaillé dans la cressonnière car cela ne se faisait pas pour les filles. Les femmes restaient plutôt à la maison. Certaines femmes de cressonniers venaient aider leur mari sur les cressonnières, surtout le soir pour emballer les bottes de cresson coupées dans la journée, car pour ce travail il fallait être deux. Mon frère a travaillé dans la cressonnière avec mon père. En 1937, il voulait continuer ce métier mais ma mère l'a empêché de continuer quand son père est parti en retraite parce qu'elle voulait qu'il devienne fonctionnaire (dans les compagnies de chemin de fer) afin d'avoir de meilleures conditions de vie et de travail (la retraite). Les cressonnières étaient en location. Elles appartenaient au marquis [de Selve, propriétaire demeurant au Château de Villiers, commune de Cerny]. Le marquis a eu ensuite beaucoup de dettes et les cressonnières ont été vendues mais mon père ne les a pas achetées, donc il a arrêté de travailler en 1939. Le père de Madame RAME avait repris les cressonnières des oncles et tantes de sa femme, la famille BOUCHU, qui avait un cheval également. Son père avait d'abord travaillé chez eux et ensuite avait repris leur place. A quel âge votre frère a commencé à exercer le métier de cressonnier ? Il a commencé à travailler avec mon père vers 12-13 ans, après le certificat d'étude. Avait-il eu le choix ? (si non, quelle autre activité auriez-vous voulu faire ?) Vous savez& Il n'y avait pas énormément de choix ici. Souvent, on allait travailler avec ses parents. Les enfants allaient parfois aider leurs parents sur la cressonnière après l'école, surtout au printemps, pendant les périodes de grosses activités. Etait-il heureux de pouvoir exercer cette activité ? C'était un métier dur mais ils [son père et son frère] aimaient ça. Son frère a arrêté le métier de cressonnier a contre-cœur vers 20 ans au moment de son mariage, il ne voulait pas contrarier sa mère. Il aimait ce métier parce qu'il travaillait en plein air. C'était un métier assez libre, souple au niveau des horaires. C'était un métier dur mais ils [son père et frère] le faisaient à leur rythme. Y avait-il d'autres enfants/apprentis avec vous ? Quel âge ? Mon père avait un ouvrier. Il l'a embauché très jeune pour le former et il est resté avec lui assez longtemps. Quelle scolarité a suivi votre frère ? (certificat d'étude, lycée, & ?) Aurait-il aimé faire des études ? Son frère a eu le certificat d'études. Il aurait pu continuer ses études mais voulait devenir cressonnier. Marcelle RAME a été à l'école à Corbeil et elle prenait le train pour s'y rendre. Elle a été au cours complémentaire pour passer le brevet. Elle n'a pas été plus loin par manque d'argent (pensionnat). Les filles allaient, en général, plus longtemps à l'école que les garçons. Tous les garçons avaient au moins leur certificat d'études et savaient lire et écrire. L'école était obligatoire jusqu'à 12-13 ans. Après, souvent, les garçons travaillaient. Quelles sont les premières tâches que l'on lui a confiées dans la cressonnière ? Je ne sais pas exactement. Il devait passer les bottes à mon père pour les ranger dans les paniers le soir. III] Etre cressonnier Son père s'appelait Georges RAME (mais tout le monde l'appelait Charles) né en 1886 à Cerny et son grand-père s'appelait Gustave Eugène RAME (30 ans en 1886). Il y avait un autre Charles RAME mais à Vayres-sur-Essonne, c'était son cousin. Les cressonniers apprenaient leur métier de père en fils. Combien d'heures passiez-vous par jour au travail ? Temps de pause ? Pouvez-vous nous raconter comment se déroulait une journée ordinaire sur une cressonnière ? Il n'y avait pas d'heure. Cela dépendait des saisons, ils suivaient le soleil. En été, ils pouvaient commencer à 6 heures du matin. L'hiver, il y avait moins de travail et ils y allaient quand il faisait jour. Toute la cressonnière est en sommeil en hiver. Les gens consomment peu de cresson l'hiver, malgré que ce soit à cette période de l'année que le cresson est le meilleur. En effet, le cresson a plus de goût parce que les feuilles sont plus petites. Les journées de travail n'étaient jamais les mêmes. Cela dépendait des différentes tâches à faire dans la journée. Les cressonniers étaient bien occupés d'un bout à l'autre de l'année. Il fallait couper le cresson mais aussi entretenir les cressonnières (enlever la vase, les herbes entre les fossés), s'occuper du potager (artichauts, asperges, choux-fleurs, melons&). Au printemps, il y avait beaucoup de travail car on envoyait beaucoup de marchandises à Paris. Puis, après, il y avait une période où c'était arrêté. Il en profitait pour faire du semis dans un fossé : il semait du cresson assez serré. Il nettoyait les fossés car ils s'envasaient beaucoup. Après, ils replantaient du cresson. Le cresson ne pousse jamais dans l'eau de la rivière mais toujours dans de l'eau de source à cause de la température de l'eau. L'eau de source a une température plus régulière et elle ne gèle pas l'hiver. Elle se rappelle que son père regardait souvent la lune la nuit pour connaître le temps du lendemain matin. Si la lune était brillante, il savait qu'il allait geler le lendemain matin et il se relevait, en pleine nuit, pour enfoncer le cresson sous l'eau avec une schuelle, afin qu'il trempe tout entier dans l'eau de source. Ainsi, il était protégé du gel. Les horaires de travail sur la cressonnière : Il n'y avait pas d'heures. Son père travaillait dix heures par jour au minimum. L'été, il commençait à 6 heures le matin et travaillait jusqu'au soir. Le midi, il revenait à la maison faire une pause de heure-1 heure pour déjeuner. Il était à son compte. Parfois, il y avait plus de travail, il devait envoyer plus de cresson à Paris. Le travail était le plus souvent fini avant la nuit. Il était guidé par les horaires du soleil. L'hiver, il travaillait moins car il n'y avait pas d'éclairage sur les cressonnières. Elle ne souvient pas s'il y avait une lampe-tempête. Ils ne travaillaient pas le dimanche mais allaient quand même faire un tour sur les cressonnières pour voir si tout allait bien. Les congés, les vacances : on ne savait pas ce que c'était les vacances. Les vacances, c'était bon pour les fonctionnaires mais pas pour les gens de la campagne. Il fallait s'occuper des lapins et des poules. Un exemple : sa grand-mère était du Puy-de-Dôme, elle ne l'a vu pour la première fois qu'à l'âge de 20 ans. Elle n'y avait jamais été. Elle se déplaçait en train pour y aller. En quoi consistait le métier de cressonnier ? Y a-t-il de grandes différences avec aujourd'hui ? (gestes, outillages, langage..). Parlez-nous des paniers d'osiers&, des genouillères&, des planches à couper, des rouleaux à cresson, des cabanes et des abris. Avant, les hommes coupaient le cresson à genou sur des planches toute la journée. Maintenant, ils sont debout dans l'eau avec des bottes. Elle ne sait pas si cela est bon pour la colonne vertébrale. Le soir, les bottes de cresson étaient mises dans des paniers d'osiers de dix-huit douzaines. Ils mettaient des genouillères (morceaux de cuir rectangulaires rembourrés que l'on attachait avec des courroies) pour ne pas être à même la planche. C'était difficile car ils passaient huit ou neuf heures à genoux par jour, les mains dans l'eau. Certains cressonniers ont eu plus tard de l'arthrite ou des rhumatismes, mais son père n'a jamais eu de douleurs. Les bâches en plastiques n'existaient pas à cette période (avant 1939). Ils ne mettaient rien pour protéger les fossés. La production se faisait en fonction des aléas du temps. Les cressonniers travaillaient avec la lune et le soleil pour connaître la météo du lendemain. Ils travaillaient par tous les temps. Quand il pleuvait, ils se mettaient un caparaçon sur le dos (cadre en papier de toile cirée). Parfois, ils étaient trempés. Il fallait quand même travailler malgré le mauvais temps, parce que c'était leur gagne-pain. Il fallait absolument envoyer du cresson pour être payés. Etaient-ils sensibles au froid ? Mon père était assez frileux. L'eau de source ne gelait pas en hiver. Elle restait peut-être à 8-10°C. Il existait des puits artésiens quand l'eau de source n'était pas suffisante. Il y en avait à la cressonnière de Tanqueux. On pouvait atteindre les nappes phréatiques plus en profondeur. Les outils étaient-ils fabriqués ou achetés ? Chaque cressonnier avait son couteau. C'était un long couteau pointu, entouré de ficelles. Il n'y avait pas de foire agricole pour y acheter des outils. Les paniers d'osier étaient fabriqués par les cressonniers pendant l'hiver, au moment où il y avait moins de travail ou quand il faisait très froid. Son père avait appris, de son père, à faire les paniers avec des branches de saules pleureurs. Il y avait une cabane où l'on mettait le cresson dans un grand bassin d'eau pour mieux le conserver avant de l'expédier. Les bottes de cresson étaient mises dans les paniers. Les paniers pleins étaient très lourds. Il fallait être à deux pour les porter. Il n'y avait pas de quai sur la cressonnière de son père. Les genouillères en cuir épais étaient réalisées par le cordonnier de la Ferté-Alais. Il y avait un rembourrage. Elles étaient utilisées toute l'année et tenaient plusieurs années. Elle n'a jamais mis de genouillères. Elle pense que cela ne faisait pas mal aux jambes. Personne ne s'en plaignait. Les hommes étaient habillés tous de la même façon : un pantalon en velours marron côtelé et des vestes en satinette noire. Ils avaient une casquette ou un béret et un chapeau de paille en été. Ils portaient des sabots de bois pendant la semaine. Combien étiez-vous à travailler sur la cressonnière ? Mon grand-père, mon père, mon frère et un ouvrier. Il y avait des renforts pour les grosses périodes au printemps. Quand son frère est parti au service militaire, son père a embauché quelqu'un pour le remplacer. Les conditions de vie et de travail. Il n'y avait pas de sécurité sociale, pas de vacances et pas d'horaires fixes. C'était un métier difficile mais peu dangereux. Elle ne se souvient pas d'accident de travail. Elle n'a jamais vu son père se couper. Les frais des médecins étaient entièrement à la charge des gens. Pouvez-vous nous expliquer quelle type d'ambiance régnait sur les lieux (convivialité, animosité, rivalité, vie de groupe ou individualisme, ambiance familiale& ?) Pour le métier de cressonnier, il existait une hiérarchie dans le travail. Des cressonniers avaient meilleure réputation que d'autres par rapport à la qualité de leur cresson. Son père avait deux cousins (Paul et René RAME), dont les cressonnières étaient près du petit lavoir qui étaient les cressonniers les plus réputés aux Halles de Paris parce qu'ils avaient le meilleur cresson. Il y avait une bonne ambiance sur les cressonnières. Les cressonniers s'entendaient bien entre eux. Les cressonnières étaient uniquement les lieux de travail. Il n'y avait jamais de fêtes. Occupations pendant la période hivernale Il n'y avait pas d'électricité, ni de télévision. En hiver, toute la famille faisait les liens en osier qui permettait de botteler le cresson, en fendant les brins d'osier qui étaient tous de la même taille. C'était les distractions des soirées d'hiver. Le soir, les hommes parlaient entre eux du travail. Ils parlaient de leur journée. Son père jouait du violon ainsi que son grand-père. Les grands-parents vivaient dans la même maison que les enfants et les petits-enfants. Avez-vous en mémoire des journées qui vous ont marqués particulièrement ( événement exceptionnel, hiver glacial, été caniculaire, autre&) Il y a eu des années avec des gelées tardives imprévues et les cressonniers ne pouvaient pas rentrer le cresson. Une année, il y a eu des inondations et son père a presque tout perdu. Il n'a touché aucune indemnité [pas dé précision sur l'année, mais pas 1910]. Il y avait des années meilleures que d'autres. Est-ce qu'il existait un parler spécifique aux cressonniers ? (patois, chansons) Non. Couper le cresson. Le schuellage. Ils utilisaient les dictons traditionnels selon les saints du calendrier. IV] Autour du cresson Quelle place tenait la culture du cresson dans le village / canton ? Le métier de cressonnier était-il reconnu ? Quelles relations entreteniez-vous avec le reste de la population du village ? Avec les agriculteurs ? Quelle image pensez-vous que les habitants se faisaient de vous ? Pas de place spéciale. Les cressonniers n'étaient pas très bien considérés. Les commerçants de La Ferté-Alais étaient les plus considérés avec les notaires et les médecins. Les cressonniers étaient des paysans au même rang que les agriculteurs. Avez-vous eu un rôle important au sein de la commune (maire, conseiller municipal, autre&). Racontez-nous l'ambiance dans les conseils municipaux ? Non Pouviez-vous vous accorder des loisirs et si oui quels étaient-ils (bal, cinéma, congés payés, voyages&). Est-ce que la Saint-Fiacre vous dit quelque chose ? Son père a fait partie pendant 52 ans de la fanfare de la Ferté-Alais où il jouait du trombone. Il partait jouer avec la fanfare dans des festivals aux bords de la Manche (à Honfleur). Ils se déplaçaient en train. Une fois, ils sont allés à Monaco. Ses parents allaient une fois par mois voir de la famille à Paris et pour aller au théâtre. Mais ils ne sortaient pas beaucoup, en général. Le 31 août, c'était la Saint-Fiacre, la fête des cressonniers et des jardiniers. Son père lui a raconté la Saint-Fiacre, qu'elle n'a pas connu. Les cressonniers avaient une bannière et ne travaillaient pas ce jour là. Cette fête a dû s'arrêter après la 1ère guerre mondiale. Après, il n'y a pas eu d'autres fêtes spécifiques aux cressonniers. Sinon, en été, il y avait les fêtes patronales, les fêtes de village à La Ferté-Alais. C'était des fêtes qui se déroulaient le dimanche, des forains avec leurs manèges venaient s'installer dans le village et le soir, il y avait un bal. Ces fêtes duraient trois jours et étaient très populaires. Il existait également les fêtes corporatives : par exemple, le 22 novembre, à la Sainte-Cécile, c'était la fête des musiciens. Il existait aussi la fête des pompiers qui consistait en un repas et un bal le soir. A La Ferté-Alais, il y avait un cinéma sur la place du marché dans un café. Les distractions des jeunes : enfant, après l'école, elle faisait ses devoirs et jouait à la poupée. Le jeudi, on jouait avec les voisins à la poupée, à la maîtresse. Son frère et elle avaient 9 ans de différence et n'ont pas réellement joué ensemble. Il n'y avait pas beaucoup de distractions ici, les loisirs, il n'y en avait pas beaucoup. Il n'y avait pas de sport. Le football à La Ferté-Alais était réservé uniquement aux garçons. Ses parents étaient abonnés au journal Le Petit Parisien qu'ils lisaient tous les jours. C'était leur unique moyen pour s'informer (pas de radio). La Ferté-Alais était un petit village de 1000 habitants environ. Ils allaient à l'école à La Ferté-Alais parce qu'ils étaient plus près que celle de Cerny. Malgré que le Pont de Villiers soit un hameau de Cerny, ils se sentaient plus appartenir à la commune de la Ferté-Alais. Pour les gens de Cerny, le Pont de Villiers, c'était les faubourgs. Presque tout le monde avait un vélo pour se déplacer. Il y avait peu de voitures et de camions dans le village. C'était trop cher. Les promenades : les gens se promenaient rarement. Les gens marchaient beaucoup dans la semaine et se reposaient le dimanche. Le dimanche était réservé aux repas en famille, dans les maisons. Il lui semble que les gens étaient plus famille à cette époque. Les déplacements : On allait beaucoup à Corbeil grâce au train et peu à Etampes. Le Tacot [qui allait à Etampes] ne passait pas le dimanche. On va plus à Etampes maintenant grâce à la voiture. Aviez-vous des relations avec les autres cressonniers de la région ? (rivalité, entraide, syndicalisme, mariage entre familles de cressonniers& ?) Restait-on exclusivement entre cressonnier également en dehors du travail ? Son père était le seul cressonnier du village à posséder un cheval alors il ramassait le soir les paniers d'osier de ses collègues pour les emmener au train à la gare de La Ferté-Alais. Il offrait ce service gratuitement à ses collègues. Ce train partait vers 19-20 heures. Ils s'entraidaient beaucoup entre cressonniers dans les environs. Il n'y avait pas de syndicat à cette époque (avant 1939). Malgré les réputations de qualité du cresson de chaque cressonnier, il n'existait pas de jalousie ou de rivalité entre eux. Ils s'entraidaient. Ils se retrouvaient pour jouer au billard le dimanche. Les cressonniers ne se mariaient pas forcément qu'entre eux. A Cerny, il n'y avait pas de cressonniers propriétaires, ils les louaient toutes au marquis. [Pas forcément de mariages entre cressonniers pour garder les héritages]. La famille Ricordeau avait une cressonnière voisine de celle de son père, un autre Ricordeau en avait une à Tanqueux. Celle de son père se trouvait en face du château de Villiers, proche de la rivière de l'Essonne. Il y avait une dizaine de cressonnières à Cerny (1900-1939) : trois sur les propriétés du marquis, deux à Tanqueux, d'autres à Cerny. Votre famille s'est-elle entièrement consacrée au cresson ? Oui. Ma mère, ministre des finances gérait les comptes de la famille et faisait en sorte de ne pas demander d'acomptes au mandataire. Mon père cultivait également des légumes (artichauts, choux-fleurs, asperges, melons&) qui étaient vendus au marché de La Ferté-Alais par la tante de sa mère. Recettes avec le cresson ? (origine, fréquence des repas au cresson) Sa famille ne mangeait jamais de cresson sauf quand ils avaient des invités. Ses parents n'aimaient pas spécialement manger le cresson. Les cressonniers ne mangeaient jamais de cresson. Elle consomme plus de cresson actuellement et le prépare en soupe, en salade ou pour cuire de la viande. Comment s'organisaient la vente et la commercialisation du cresson ? Utilisation de moyens de transport (chevaux, chemin de fer, camions, vélos, motos&). Le transport du cresson Le cresson était transporté par train au départ de la gare de la Ferté-Alais. Il était amené aux Halles de Paris et était vendu à la criée. Les marchands de quatre saisons étaient les principaux acheteurs. Ensuite, le cresson a été transporté par des transporteurs, par camions à partir de 1936-1937. (Entreprise Petitsigne et Cornilleau). La vente du cresson A cette époque, il y avait trois mandataires aux Halles de Paris et chaque cressonnier choisissait son mandataire. Ils s'appelaient Leroy, Klein et Beugnon. Le mandataire envoyait tous les jours une facture où étaient indiqués le nombre de bottes de cresson vendu et la personne qu'il l'avait achetées. Les mandataires n'étaient pas surveillés, ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient. Le prix de vente était fixé en fonction de la qualité du cresson. Certains cressonniers avaient une bonne réputation, étaient bien cotés et donc étaient les mieux payés, d'autres, dont le cresson était de moindre qualité, étaient moins payés. A Cerny, c'était les deux cousins de son père qui vendaient le mieux leur cresson, puis ensuite son père. Parfois, le mandataire disait qu'il n'avait pas vendu le cresson et qu'il l'avait jeté, mais il comptait quand même des frais aux cressonniers. Les relations étaient difficiles. Les mandataires qui s'occupaient du cresson ne faisaient les comptes qu'une fois par an et donc ne payaient les cressonniers qu'une fois par an après le printemps. Chaque cressonnier allait chercher son argent à Paris après le printemps, mais il avait la possibilité de demander des acomptes dans l'année. Les consommateurs de cresson Certains restaurants de La Ferté-Alais venaient chercher du cresson directement au producteur, chez son père. Ce n'était pas des clients réguliers. Son père en donnait aux gens du village. Elle pense qu'actuellement les gens mangent plus de cresson qu'avant. A la campagne, peu de gens en mangeaient. A Paris, elle a l'impression que les gens en mangeaient plus. Parfois, les cressonniers allaient vendre eux-mêmes leur cresson à Bouray. Ils criaient le cresson, la santé du corps. A Champion, on vend du cresson, actuellement. Vivait-on bien de la culture du cresson ? Les années 1930, c'était une période assez difficile. Les gens se plaignaient beaucoup mais élevaient quand même bien leur famille. La difficulté se trouvait dans le fait que les mandataires ne payaient les cressonniers qu'une fois par an et qu'ils faisaient ce qu'ils voulaient. Ils pouvaient mentir sur les prix. Elle ne se souvient pas de ce que gagnaient ses parents en une année. On n'était pas malheureux et on ne manquait de rien. Sa mère était très économe, la vie était assez dure. Il ne fallait pas que l'homme tombe malade. Son père était assez résistant, il a passé 30 ou 40 ans à genoux les mains dans l'eau. Une année, comme les comptes n'étaient faits qu'une fois dans l'année, ses parents sont allés voir le mandataire, mais celui-ci était en faillite et n'a donc pas payé ses parents. Ils avaient perdu le travail de toute une année. Les cressonniers étaient vraiment dépendants du mandataire. Ces derniers pouvaient très bien mentir sur le prix de vente du cresson car il n'y avait pas de contrôle. Un syndicat de cressonniers a été crée, par la suite, pour pouvoir se défendre. Il y avait des années plus difficiles que d'autres. Evocation de la 1ère guerre mondiale Son père est parti pendant toute la guerre, ainsi que les cousins de son père. Sa mère est restée seule à Cerny et son oncle est venu travailler à la place de son père. Ces années ont été dures. Son frère avait quatre ans quand son père est parti à la guerre, elle est née après la guerre. Certaines femmes ont dû travailler à la place de leur mari. V] Conclusion Etaient-ils fiers d'avoir exercé ce métier ? Les hommes se plaignaient de la pénibilité du métier et du peu d'argent que l'on gagnait mais au fond d'eux, ils aimaient ça. A cette époque, beaucoup de gens allaient travailler à Paris. Son père aurait bien voulu y travailler mais il ne pouvait pas parce qu'il préférait travailler en plein air. Il ne pouvait pas respirer à Paris. Il aimait bien ce métier tout de même. Il n'a jamais essayé de changer de métier par rapport à d'autre. Beaucoup de cressonniers changeaient de travail à cause de la pénibilité de la tâche pour aller travailler dans les secteurs en développement à Paris (chemin de fer, métro, police). D'autres changeaient de métier de force à cause du manque de travail. Les autres enfants de son grand-père ne pouvaient plus être employés par leur père, ils ont dû changer de métier. Les ouvriers cressonniers ne trouvaient pas de travail et surtout n'étaient pas payés. Celui qui n'était pas à son compte n'était pas payé. Quel regard portez-vous sur cette activité aujourd'hui ? Quels sont les grands changements que vous avez remarqués sur cette activité ? Elle pense que les cressonnières actuelles sont moins bien entretenues qu'autrefois. Les allées entre les fossés étaient bien entretenues. L'herbe était fauchée, coupée. Avant la 2ème guerre mondiale, les gens travaillaient encore de façon traditionnelle. Les cressonniers étaient très conservateurs à cette époque. Ils ne voulaient pas faire évoluer les techniques de travail. Actuellement, le transport est plus pratique en voiture sur les marchés de Rungis. Evocation des carriers de grès de la région. Les carrières de grès se trouvaient proches du terrain d'aviation, proche de Montmirault. Il y avait beaucoup de carriers italiens. Entre enfants, il n'y avait pas de racisme. Les italiens se sont bien intégrés malgré qu'ils parlaient mal le français. Ils avaient une organisation professionnelle (cantine). Il y avait quand même souvent des bagarres avec les Italiens.

Conditions d'accès

NC Numérisé [substitution:13AV/19;13AV/20/]

sans délais

Langue des unités documentaires

Français

Informations sur le traitement

Notice établie conformément à la norme ISAD(G), norme générale et internationale de description archivistique (2000), et à la DTD-EAD (Encoded Archival Description), informatisation de la description.