TEMOIGNAGES ORAUX REALISES PAR LES ARCHIVES DEPARTEMENTALES DE L'ESSONNE - LE CRESSON EN ESSONNE.

Déplier tous les niveaux

Cote/Cotes extrêmes

13AV/1-42

Date

2004

Organisme responsable de l'accès intellectuel

Archives départementales de l'Essonne

Description physique

42 articles

Origine

DIRECTION DES ARCHIVES DEPARTEMENTALES (service producteur)

DIRECTION DES ARCHIVES DEPARTEMENTALES (service versant)

Modalités d'entrées

versement

Présentation du contenu

Cette collecte de témoignages oraux constitue une collection sur le thème du cresson et de la cressiculture. Elle faisait suite à une demande du PNR (Parc Naturel Régional du Gâtinais Français) qui souhaitait conserver et valoriser la mémoire des cressiculteurs de l'Essonne. 17 personnes ont été interviewées du 16 juin au 15 décembre 2004 par Christine Mathieu, archiviste oral aux Archives départementales de l'Essonne et par Yannick Le Chaudelec, chargé de mission au Parc Naturel Régional du Gâtinais Français (PNR). Elle représente 17 cassettes DAT et un témoignage uniquement sous forme écrite.

Les témoignages suivent un questionnaire pré-établi :

A) Présentation du témoin 1 - Nom, prénom et âge du témoin 2 - Etes-vous originaire de la région ? 3 - Quel métier exerçait vos parents ? 4 - Quels métiers avez-vous exercés autre que celui de cressonnier ? 5 - Avez-vous vécu ailleurs que dans la région?

B) Devenir cressonnier 1 - Quels sont vos premiers souvenirs liés au cresson ? Avez-vous grandi dans une cressonnière ? 2 - A quel âge avez-vous commencé à exercer votre profession ? 3 - Avez-vous eu le choix ? (si non, quelle autre activité auriez-vous voulu faire ?) 4 - Avez-vous été révolté de ne pas avoir eu le choix ?/ Etiez-vous heureux de pouvoir exercer cette activité ? 5 - Quelle scolarité avez-vous suivi ? (certificat d'étude, lycée, autres ?) 6 - Auriez-vous aimé faire des études ? 7 - Quelles sont les premières tâches que l'on vous a confiées dans la cressonnière ? 8 - Y-avait-il d'autres enfants/apprentis avec vous ? Quel âge ? 9 - Quelles étaient les conditions de travail lorsque l'on débute dans ce métier ?

C) Etre cressonnier 1 - Pouvez-vous nous raconter comment se déroulait une journée ordinaire sur une cressonnière ? 2 - Combien d'heures passiez-vous par jour au travail ? Temps de pause ? 3 - En quoi consistait le métier de cressonnier ? Y a-t-il de grandes différences avec aujourd'hui ? (gestes, outillages, langage..). Parlez-nous des paniers d'osiers, des genouillères, des planches à couper, des rouleaux à cresson, des cabanes et des abris (des rails Decauville). 4 - Combien étiez-vous à travailler sur la cressonnière ? 5 - Pouvez-vous nous expliquer quel type d'ambiance régnait sur les lieux (convivialité, animosité, rivalité, vie de groupe ou individualisme, ambiance familiale ?) 6 - Avez-vous en mémoire des journées qui vous ont marqués particulièrement (événement exceptionnel, hiver glacial, été caniculaire, autres) 7 - Avez-vous souffert de ce métier et comment faisait-on face à la pénibilité de la tâche ? 8 - Est-ce qu'il existe un parler spécifique aux cressonniers ? (patois, chansons) 9 - Quelles sont les images fortes qui vous restent de ce métier ?

D) Autour du cresson 1 - Quel place tenait la culture du cresson dans le village / canton ? 2 - Le métier de cressonnier était-il reconnu ? 3 - Avez-vous eu un rôle important au sein de la commune (maire, conseiller municipal, autres). Racontez-nous l'ambiance dans les conseils municipaux ? 4 - Vivait-on bien de la culture du cresson ? 5 - Pouviez-vous vous accorder des loisirs et si oui quels étaient-ils (bal, cinéma, congés payés, voyages). Est-ce que la Saint-Fiacre vous dit quelque chose ? 6 - Parlez-nous des fêtes du cresson (reine du cresson, chansons, rallye, stands commerciaux, produits vendus.) 7 - Restait-on exclusivement entre cressonnier également en dehors du travail ? 8 - Quelles relations entreteniez-vous avec le reste de la population du village ? Avec les agriculteurs ? 9 - Quelle image pensez-vous que les habitants se faisaient de vous ? 10 - Aviez-vous des relations avec les autres cressonniers de la région ? (rivalité, entraide, syndicalisme, mariage entre familles de cressonniers ?) Pouvez-vous nous raconter comment se déroulaient les réunions syndicales à Paris, en Essonne, dans le village ? 11 - Votre famille s'est-elle entièrement consacrée au cresson ? Recettes avec le cresson ? (origine, fréquence des repas au cresson) 12 - Comment s'organisaient la vente et la commercialisation du cresson, selon les époques ? Utilisation de moyens de transport (chevaux, chemin de fer, camions, vélos, motos). Changements apportés par le transfert des Halles de Paris à Rungis ? 13- Evolution de la demande et des consommateurs.

E) Conclusion 1 - Etes vous fier d'avoir exercé ce métier ? 2 - Quel regard portez-vous sur cette activité aujourd'hui ? 3 - Quels sont les grands changements que vous avez remarqués sur cette activité ? Les témoignages oraux originaux ont été enregistrés sur cassettes DAT et ont été transférés sur CD Audio qui sont les supports de communication et de conservation (13AV19-42).

Langue des unités documentaires

Français

LE CRESSON EN ESSONNE. SOUVENIRS DE MARCEL LUCAS (D'Huison-Longueville).

Cote/Cotes extrêmes

13AV/2

Date

2004

Importance matérielle

02/00/00

Caractéristiques physiques

produit fini, DAT, Interview

Origine

DIRECTION DES ARCHIVES DEPARTEMENTALES (service producteur)

DIRECTION DES ARCHIVES DEPARTEMENTALES (service versant)

Présentation du contenu

SOUVENIRS DE MARCEL LUCAS Le cresson à D'Huison-Longueville 1ère partie Réalisé par Christine Mathieu, archives départementales de l'Essonne et Yannick Le Chaudelec, Parc Naturel Régional du Gâtinais Français.

23/6/04

Marcel LUCAS, cressiculteur en activité.

Marcel Lucas nous raconte ses souvenirs sur sa carrière de cressiculteur et d'agriculteur à D'Huison-Longueville.

Etes-vous originaire de la région ? Oui. Depuis plusieurs générations. Quel métier exerçait vos parents ? Arrière-grand-père et grand-père : agriculteurs, propriétaires d'une cressonnière mais non exploitant. Ils l'ont loué à la famille Chombakler. Père : agriculteur et cressiculteur Quels métiers avez-vous exercés autre que celui de cressiculteur ? Agriculteur (polyculture et élevage) Avez-vous vécu ailleurs que dans la région? Non. Un peu de vocabulaire Le terme de cressonnier : celui qui coupe et recueille le cresson mais qui ne le cultive pas Le terme de cressiculteur : celui qui cultive le cresson. II] Devenir cressiculteur Quels sont vos premiers souvenirs liés au cresson ? /Avez-vous grandi dans une cressonnière ? Premiers souvenirs : enfant, il allait à la cressonnière et se souvient de l'odeur particulière du cresson dans la cabane quand il est coupé, brassé et lavé. Maintenant, il ne sent plus l'odeur du cresson. Il y est habitué. Pendant son enfance, la cressonnière était un lieu dangereux à cause de l'eau. Les adultes faisaient peur aux enfants pour qu'ils n'aillent pas dans les rivières à cause des risques de noyades et de maladies. Il faisait partie de la première génération d'enfants qui étaient vaccinés contre la polio et la typhoïde. Avant, les enfants qui tombaient dans les rivières mourraient. Les personnes âgées du village avaient peur des rivières (accidents de santé, maladies). Certaines personnes disaient : Les gens tombaient paralysés, cela devait être la polio. Il a commencé le métier de cressiculteur à la sortie du service militaire en juin 1970. Ses parents avaient une exploitation polyculture, élevage et la surface était trop petite (40 hectares) pour que plusieurs personnes y travaillent. Son père et sa mère exploitaient les terres et les enfants (lui et sa sœur) ont été obligés de se partager les terres d'exploitation. La famille, en fait, possédait depuis le début du XXème siècle, une cressonnière qui n'avait jamais été exploitée par la famille. Elle était exploitée par des locataires, la famille Schombacler. Ces derniers ont cessé leur activité vers 1970 et cela a été une opportunité pour lui et sa sœur de devenir cressiculteurs. L'arrière-grand-père, Eugène FOUCHER, avait créé ces cressonnières vers 1910. Ses arrières-grands-parents habitaient sa maison. C'était le développement du cresson à D'Huison (les cressonnières existaient depuis 1856). Le problème a été de trouver de l'eau car c'est le débit de l'eau qui conditionne la surface de la cressonnière. Dans cette terre, il y avait plusieurs sources. L'eau a été ramenée au même endroit pour servir aux cressonnières. Il existait des techniques pour baisser le niveau de l'eau. Cette cressonnière a été créée par les cressiculteurs qui l'ont exploitée et l'arrière-grand-père a financé les travaux d'aménagement. Elle a été ensuite louée à la famille Schombacler. Le grand-père Schombacler y a travaillé avec ses 5 enfants. Maurice Schombacler a été le dernier à exploiter la cressonnière. Il a abandonné cette profession au profit du maraîchage. A quel âge avez-vous commencé à exercer votre profession ? Il a commencé à 21 ans. Il exploitait la cressonnière en plus de l'exploitation agricole avec son père et sa sœur. En 1970-71, l'élevage des vaches a été arrêté et les cultures de betteraves, de foin ont été remplacées par la culture du maïs. C'était l'époque de l'arrivée du maïs. Son père (né en 1921) avait toujours dit qu'il voulait un jour reprendre une partie de la cressonnière. Monsieur Lucas Marcel avait appris facilement le métier de cressiculteur en regardant les autres cressiculteurs travailler, depuis son enfance. Ils ont également été aidés par leur salarié qui était de la famille des anciens locataires. Il leur a appris les connaissances liées au métier : comment gérer une cressonnière, le moment de semer, les différentes étapes de la production. Monsieur Marcon, cressonnier, était le meilleur ami de son père et l'a aidé à débuter dans le métier. Avez-vous eu le choix ? (si non, quelle autre activité auriez-vous voulu faire ?) Il n'avait pas du tout été préparé à reprendre la cressonnière. A la sortie de son service militaire, on l'a mis à la cressonnière. Depuis son enfance, il passait de temps en temps à la cressonnière pour y cueillir des bottes, mais jamais il n'avait pensé qu'il deviendrait cressiculteur un jour. Il n'y avait jamais travaillé. Il préférait travailler aux champs. Dès l'âge de 10 ans, il a commencé à travailler avec son père. Il aimait conduire les tracteurs et les engins. Avez-vous été révolté de ne pas avoir eu le choix ?/ Etiez-vous heureux de pouvoir exercer cette activité ? A la sortie de son service militaire, on lui a dit qu'il allait reprendre la cressonnière. C'était naturel de reprendre la cressonnière. De toute manière, il continuait de travailler dans les champs. Ce qu'il aimait, c'était de travailler à la maison en famille. Le métier de cressonnier est très prenant. On y passe beaucoup de temps, il y a toujours quelque chose à faire et on a l'impression de ne jamais terminer. Alors que dans le travail des champs, il existe des étapes, le métier de cressonnier est un travail quotidien en continu. Quelle scolarité avez-vous suivi ? (certificat d'étude, lycée, … ?) Il a suivi ses études au lycée agricole de Montargis où il a obtenu le baccalauréat technique. Il y était élève interne. Cette formation devenait indispensable pour gérer une ferme. Sa sœur a fait l'école ménagère à Etampes: c'était une formation pour devenir femme de paysan (couture, cuisine, gestion, animaux de la ferme…). Son père n'avait que le certificat d'étude et avait pris des cours agricoles à D'Huison. Quelles sont les premières tâches que l'on vous a confiées dans la cressonnière ? La cressonnière était mal entretenue depuis quelques années. En été 1970, il a fallu la remettre complètement en état. Les berges ont été nettoyées et l'herbe arrachée. Les fossés ont du être remis à niveau pour y semer du cresson. Les chemins ont été retaillés à l'aide d'un couteau. Son père dirigeait beaucoup les opérations au début comme un véritable chef d'entreprise. Les enfants suivaient naturellement les instructions de leur père. Quelles étaient les conditions de travail lorsque l'on débute dans ce métier ? Dès les premiers mois, il a souffert d'une tendinite au coude, surtout au moment de l'arrachage du cresson. Au début, c'était difficile de conduire des engins dans un endroit qui n'était pas d'aplomb. Il fallait apprendre un nouveau métier très rapidement. III] Etre cressiculteur Pouvez-vous nous raconter comment se déroulait une journée ordinaire sur une cressonnière ? Combien d'heures passiez-vous par jour au travail ? Temps de pause ? La première chose que l'on faisait en arrivant le matin sur la cressonnière, c'était le tour des pièges. On mettait des pièges aux endroits stratégiques de remontée de l'eau, pour que les fossés ne manquent jamais d'eau. Maintenant, le piégeage est interdit et le nombre des ragondins dans les cressonnières a augmenté. Avant tous les cressonniers avaient des pièges. La première chose à vérifier c'est si tout va bien au niveau de l'écoulement de l'eau, si aucun fossé n'est bouché par des feuilles. Parfois, en attendant le dégel, il allait discuter avec ses voisins aussi cressiculteurs : Monsieur Royer et Monsieur Marcon. Comme il coupait uniquement à la machine, ils attendaient que la gelée soit complètement fondue. Ils commençaient en général vers 8 heures. Les autres cressonniers commencent très tôt du fait qu'ils aillent d'abord à Rungis (ils partent dans la nuit entre 3 heures et 5 heures) puis ils vont sur les cressonnières vers 7 heures 30. On coupe le cresson à la machine toute la journée puis après on fait le tri et la mise en sachets plastiques. Un couple de retraités les aidait à trier le cresson et pour la mise en sachets pendant l'après-midi, cela leur permettait de continuer à couper le cresson l'après-midi. En fin d'après-midi, ils venaient aider pour le tri jusqu'au soir (jusqu'à 18 heures environ). Souvent, il (Monsieur Lucas) s'en allait pour le travail des champs pendant que les femmes continuaient le tri. Le nettoyage des fosses se fait pendant la période d'été. Tout le cresson est arraché pour pouvoir nettoyer les fosses. On sème du cresson à la fin juillet. La coupe du cresson se fait en fonction de la demande. Quand Darbonne commandait du cresson en automne, le cresson était semé avant le 14 juillet pour pouvoir en couper à l'automne. Le cresson est semé dans toutes les fosses. Le travail d'été commence tôt le matin à cause de la chaleur. En quoi consistait le métier de cressiculteur ? Y a-t-il de grandes différences avec aujourd'hui ? (gestes, outillages, langage..). Parlez-nous des paniers d'osiers…, des genouillères…, des planches à couper, des rouleaux à cresson, des cabanes et des abris. (des rails Decauville). Comment s'organisaient la vente et la commercialisation du cresson, selon les époques ? Utilisation de moyens de transport (chevaux, chemin de fer, camions, vélos, motos…). Changements apportés par le transfert des Halles de Paris à Rungis ? Il n'a jamais travaillé le cresson de façon traditionnelle c'est-à-dire avec les paniers d'osier et les bottes de cresson. A partir du moment où les Halles ont été transférées à Rungis, les cressiculteurs n'utilisaient plus les paniers d'osiers mais les caisses de 12. Il ne sait pas faire un panier d'osier, ni emballer un panier de cresson. Les outils : C'était les débuts de la mécanisation dans le métier de cressonnier. Son père a acheté tout de suite une machine pour couper. La machine à couper le cresson : c'est un engin qui sert à couper le cresson, une machine à aspiration. On se met de chaque côté des fossés et on la tire à la main. Il faut être deux pour la manipuler. On coupe le cresson toute la journée. Tout le cresson était coupé à la machine. Il possédait également un camion que sa grand-mère avait acheté. Le travail manuel : il fallait trier le cresson une fois qu'il était coupé. Cette tâche prenait énormément de temps. Il fallait sélectionner les meilleures feuilles de cresson pour les mettre dans les sachets plastiques. Les sachets étaient réalisés tous les jours par les quatre personnes de l'exploitation du 15 septembre au 1er mai. Les voiles plastiques : on a utilisé des voiles en plastique pour la première fois en 1983-84. Cela a été une révolution. On a arrêté de renfoncer le cresson avec les rouleaux qui avaient tendance à très abîmer le cresson. La qualité du cresson était bien meilleure. Il y avait beaucoup moins de tri à faire. Les tapis roulants pour nettoyer le cresson : Son père avait construit un système de tapis roulant pour nettoyer le cresson. Le cresson tombait tout seul dans l'eau. Agrandissement des terres : En 1987, son père est parti en retraite. Lui et sa sœur ont agrandi les cressonnières (achat d'autres parcelles). Il possède actuellement 72 hectares de terres (polyculture) en deux lots à D'Huison-Longueville et Mondeville et presque 1 hectare de cressonnière. Il y travaille seul actuellement. Avant 1987, ils étaient quatre à travailler sur 50 ares de cresson et 40 hectares de terres. Evolution des différentes cressonnières de la commune : elles ont tendance à disparaître. Les gens qui partent en retraite ne sont pas remplacés. Sur les 11 cressonnières en activité, il n'en reste actuellement que 5 (Lucas, Versuift, Jods, Lesage, Morizot, Jods). Celle de Monsieur David est en friche, Morizot et Lesage ont arrêté leurs exploitations. Les clients : - la société Darbonne de Milly-la-Forêt était le plus gros client. Elle recevait jusqu'à 40 tonnes de cresson par an en vrac. La famille Lucas faisait des sachets et la société Darbonne faisait du cresson déshydraté. - le marché de Rungis : On amenait le cresson dans des sachets plastiques. Ils ont toujours des difficultés pour bien vendre le cresson au marché de Rungis. Les clients de Rungis préféraient le cresson en bottes. Il n'existait plus de marché pour le cresson. Avant à Paris, il existait une forte demande de cresson. A partir du moment où la Préfecture de Paris a interdit les marchands des quatre saisons, le cresson s'est moins bien vendu. Les marchands de quatre saisons représentaient 20 % de la vente du cresson. C'était des vendeurs à la sauvette à la sortie des métros. Les commerçants venaient s'approvisionner à Rungis pour les vendre dans les grandes surfaces. - les marchés de Brétigny-sur-Orge et de Melun : Ils vendaient au détail le cresson. Sa sœur avait repris la place et les clients de cressonniers de Boutigny-sur-Essonne. Elle y allait le samedi et le dimanche. En 1976, sa sœur élève son enfant, alors son frère l'a remplace pour aller vendre le cresson sur les marchés. Au début, c'était difficile parce qu'il était très timide. Mais il y a pris goût. Parfois, la société Darbonne demandait moins de cresson, alors il compensait le manque à gagner en vendant du cresson dans les marchés des environs (Corbeil-Essonnes, Ris-Orangis). A partir de la fin des années 1970 - début des années 1980, ils vendent des sachets et des bottes de cresson sur les marchés et trouvent une clientèle fidèle. Il existe maintenant une relation de confiance avec ses clients. Le contact direct avec les clients permet de mieux vendre le cresson. Actuellement, la clientèle des marchés a changé. Les clients ne connaissent pas forcément le cresson. Actuellement, les personnes vont plutôt faire leurs courses aux supermarchés qu'au marché. - les supermarchés : les grossistes des grandes surfaces n'ont plus voulu acheter aux mandataires de Rungis. C'est très difficile de travailler avec les grandes surfaces car le climat a l'intérieur n'est pas adapté au cresson : la température y est trop élevée, l'air trop sec. Le cresson fane rapidement. Les centrales d'achat ne sont pas réfrigérées. L'important pour le cresson, c'est de maintenir la chaîne du froid. La douve du foie : suite à un article dans le journal, dans les années 1960, la vente du cresson a chuté de 50% du jour au lendemain. Les ventes ne sont jamais remontées. Actuellement, les problèmes avec la douve se trouvent dans des régions où il n'y a pas de cresson. (dans le nord et dans l'est). En région parisienne, il n'y a eu que deux cas de douve humaine entre 1970 et 1980, et les personnes malades avaient consommé de la mâche. Le transport du cresson : pour aller à Rungis, il y avait un système de ramassage par camions. Lui n'allait jamais à Rungis. Un transporteur venait chercher le cresson de toute la commune. Les noms des transporteurs étaient Jainfray de Guigneville, un autre venant de Malesherbes et Cotty. On utilisait celui qui prenait le moins cher. Les cressonniers se réunissaient pour décider du transporteur jusqu'à la fin des années 1970. L'avantage était que les cressonniers ne devaient pas se lever de bonne heure pour aller à Rungis. Ce système de ramassage s'est arrêté à cause du prix élevé du service. Chaque cressiculteur s'est équipé de camions pour transporter lui-même le cresson. Evolution des habitudes des consommateurs : dans les années 1970, les personnes achetaient beaucoup leurs fruits et légumes sur les marchés, où ils sont moins nombreux. Actuellement, ils préfèrent les acheter dans les grandes surfaces. Le cresson est de moins en moins acheté parce qu'il ne se vend peu en grande surface. La clientèle ne l'achète pas parce que le cresson s'abîme beaucoup et c'est difficile de bien le conserver. Le circuit de ravitaillement des hypermarchés n'est pas adapté au cresson (stockage, les flux tendus…). Les cressonniers sont des petites entreprises qui ont du mal à négocier avec les centrales d'achat. Sept cressiculteurs actuels ont réussi à organiser leur travail pour le vendre aux grandes surfaces (emballage spécifique, conditionnement, transport). Ces moyens demandent beaucoup d'investissement que les cressiculteurs n'ont pas toujours forcément. C'est difficile de rentrer sur ce marché parce que les exploitations sont trop petites. Combien étiez-vous à travailler sur la cressonnière ? Toute la famille travaillait ensemble avec un salarié qui était un membre de la famille Schombacler. La cressonnière était partagée, lui possédait 50 ares et sa sœur une autre partie plus petite. Sa sœur désirait être à son compte. Pouvez-vous nous expliquer quelle type d'ambiance régnait sur les lieux (convivialité, animosité, rivalité, vie de groupe ou individualisme, ambiance familiale… ?) Avant 1970, le travail était dur. La cressonnière avait été séparée en deux, le couple Schombacler travaillait ensemble sur une même partie, la femme faisant les mêmes tâches que l'homme et l'autre partie était exploitée par un frère de monsieur Schombacler. Il regardait souvent les cressiculteurs couper le cresson et l'emballer dans les paniers d'osier. Monsieur Schombacler possédait une mule pour transporter le cresson. Les cressonniers se retrouvaient après le travail au bistrot mais à partir de l'arrivée de la télévision vers 1965, les gens sont beaucoup restés chez eux. Il pense que la télévision a beaucoup isolé les gens. Avant les gens s'entraidaient parce que tout le monde n'avait pas de moyen de transport pour amener le cresson à la gare de la Ferté-Alais. Depuis que chaque cressonnier a sa voiture, les relations entre eux sont différentes. Après 1970, toute la famille Lucas travaillait ensemble. Il y avait une bonne ambiance familiale. Monsieur Lucas (père) gérait les comptes de l'entreprise. Il y avait énormément de travail, notamment pour la société Darbonne. Les cressonnières étaient mieux entretenues car ils travaillaient à trois personnes dessus. Le travail de la ferme prenait également beaucoup de temps. Parfois, il demandait à la coopérative agricole de faire passer l'hélicoptère pour arroser les champs d'insecticides. La récolte du maïs, l'étendage des engrais au printemps étaient faits par une autre entreprise. Maintenant, il est tout seul pour tout faire donc la production de cresson a été réduite par manque de main d'œuvre. Les cressonniers s'entraidaient seulement de façon ponctuelle. Ils devaient s'entendre pour le transport du cresson par camion. C'était pour être à l'heure pour déposer le cresson dans le camion que les cressonniers commençaient le travail à la même heure. Le travail de cressonnier est très prenant, les cressonniers ont tendance à travailler seuls chez eux. Les relations entre cressonniers se font surtout en dehors du cadre du travail. Avez-vous en mémoire des journées qui vous ont marqués particulièrement (événement exceptionnel, hiver glacial, été caniculaire, autre…)? Certaines années ont été difficiles. Tous les ans, il y avait des montées d'eau qui pouvaient abîmer le cresson. L'eau des fossés n'arrivait pas à se vider et le cresson était submergé. Cela glace le cresson, c'est-à-dire que les cellules éclatent. Le cresson devient translucide. Au fil des temps, il a l'impression que la météo a changée. Il lui semble qu'il fait plus chaud et que la saison idéale du cresson se réduit de plus en plus. Il ne gèle plus. Les températures d'hiver sont très hautes. Il pleut de moins en moins. Pendant l'hiver 1956, il se souvient des champs gelés. Il se souvient également de l'hiver 1986 où il a beaucoup gelé. Pendant le gel, on ne peut pas travailler, on ne peut plus couper. Il faisait -23°C. En hiver 1979, l'hiver est venu en une nuit. Le vent du nord est arrivé le 31 décembre et a fait chuter la température de 20°C en 24 heures. Il a neigé 40 cm. Il a fallu aller rouler le cresson le dimanche pour l'enfoncer avant que le froid arrive. A cette période, on n'utilisait pas les films plastiques pour protéger le cresson. Il utilisait déjà du plastique à bulles. Avez-vous souffert de ce métier et comment faisait-on face à la pénibilité de la tâche ? Il souffre beaucoup du dos. Il ne coupe pas le cresson à genoux. Certains le font encore et disent qu'ils souffrent moins du dos. Il pense qu'il faut commencer ce métier dès 14 ans pour être habitué à la dureté du travail et pour acquérir le savoir-faire nécessaire pour avoir un bon rendement. Il raconte que Monsieur Landolfi fait 250 bottes le matin alors que lui, il n'en fait que 100. Il pense qu'il n'a pas appris le métier assez jeune. On n'a pas l'impression qu'ils (les anciens) se dépêchent. IV] Autour du cresson Quelle place tenait la culture du cresson dans le village / canton ? Les cressonnières employaient beaucoup de monde dans la commune. Beaucoup d'immigrés italiens, fils de carriers, ont travaillé dans les cressonnières. La production de cresson à D'Huison-Longueville était très importante dans les années 1950-1960. Actuellement, au moment des fêtes du cresson, il y a de plus en plus de monde qui s'intéresse à la culture du cresson. Les nouveaux habitants s'intéressent au patrimoine de la commune. Lors de ces fêtes, les cressonniers ont vendu beaucoup de cresson aux clients de la région. Lors des Portes ouvertes, il y a énormément de gens qui viennent visiter les cressonnières. Le métier de cressiculteur était-il reconnu ? Vivait-on bien de la culture du cresson ? Les cressonniers gagnaient bien leur vie et dans les années 1950, tous les cressonniers se sont construit de belles maisons. Ils étaient les premiers à acheter des voitures et des terres. Les autres villageois étaient un peu jaloux de leur réussite. Les cressonniers travaillaient énormément. Ils travaillaient 10 heures par jour minimum. L'âge d'or du cresson à D'Huison se situe entre les 2 guerres jusqu'à l'histoire de la douve du foie. Avez-vous eu un rôle important au sein de la commune (maire, conseiller municipal, autre…). Racontez-nous l'ambiance dans les conseils municipaux ? Certains cressonniers étaient au Conseil Municipal. Le père de Monsieur Lucas était adjoint au maire. Parlez-nous des fêtes du cresson (reine du cresson, chansons, rallye, stands commerciaux, produits vendus….) La foire du cresson a eu lieu de 1961 à 1965. La commune de D'Huison-Longueville est devenue la capitale du cresson. Monsieur DENIS, qui était maire de la commune, avait organisé et financé les fêtes. C'était sûrement dans un but politique (élections au Conseil Général) et pour faire un coup médiatique, selon Monsieur Lucas. Monsieur DENIS est mort en 1970. La foire du cresson était une grosse foire commerciale (stands électroménagers, intérieurs de la maison). Il y avait une grosse fête foraine et un bal, des groupes de musiciens. Monsieur Alexandre DENIS avait des relations avec des personnes de la télévision ce qui permettait de faire de la publicité. Il y avait également des publicités dans le métro. Beaucoup de personnes se déplaçaient de Paris, de Melun (environ 60.000 personnes). Toute la région était envahie par les visiteurs. Il y avait beaucoup de voitures. La musique était omniprésente. Tous les jeunes adoraient aller à la fête foraine. Il y avait des répercussions sur les ventes de cresson. Ces fêtes ont été mises en place au moment de la crise de la douve du foie, ce qui a permis de redonner une image positive au cresson. Il y a eu l'élection de la reine du cresson. La première était la fille de Monsieur Royer, Christiane. Il choisissait les filles de cressonniers. Il y avait un rallye automobile, des animations, des démonstrations de catch, des spectacles. Cette fête durait trois jours. Au bal, il y avait des orchestres connus. Son père, adjoint du maire, prêtait le champ pour faire la foire et participait à l'organisation. Cette foire était l'occasion pour les agriculteurs d'acheter des outils (motoculteurs). Cette foire était importante pour les paysans. Chaque exposant payait son emplacement. Le disque La Fête du cresson. Il se souvient d'avoir vu une démonstration de la machine à couper le cresson inventée par des cressonniers du Val d'Oise. Cette démonstration s'est déroulée dans la cressonnière de Monsieur Marcon. C'était l'avenir du métier : la mécanisation. On a inventé la mise en sachets, le cresson était coupé en vrac grâce à la machine. Aviez-vous des relations avec les autres cressiculteurs de la région ? (rivalité, entraide, syndicalisme, mariage entre familles de cressiculteurs… ?) Pouvez-vous nous raconter comment se déroulaient les réunions syndicales à Paris, en Essonne, dans le village … Le syndicat des cressiculteurs : Monsieur Roger Royer, le président du syndicat, était son voisin. Il l'avait incité à se présenter à la présidence du syndicat, pour le remplacer. Il était déjà actif au sein du syndicat (il présentait les comptes d'exploitation du syndicat). Il a été président du syndicat des cressiculteurs entre 1983 et 1995. C'était un travail qui prenait beaucoup de temps. Son père le remplaçait quand il travaillait pour le syndicat (réunions, impôts, interlocuteur avec les administrations, la DDA et la MSA, expliquer aux gens comment fonctionne le cresson). Vers 1970-72, la culture du cresson a failli s'arrêter. Le département avec l'agence de bassin ont inventé une cressonnière expérimentale à Saclas ou à Méréville. Les administrations demandaient aux exploitants d'arrêter leurs exploitations pour mettre en place ce nouveau système de culture. Ils voulaient prouver que l'on pouvait cultiver le cresson sans eau. Ce projet n'a pas abouti. Il se souvient des discussions à propos des réglementations sanitaires. 60% des cressonnières dans l'Essonne ont fermé parce qu'elles ne rentraient pas dans les normes sanitaires imposées par la DDASS. Les rapports avec l'administration étaient difficiles. Il existait des rivalités entre les cressiculteurs du point de vue de la vente. Les cressiculteurs se réunissent de temps en temps. Les réunions permettent d'échanger des points de vue sur l'actualité agricole, sur les activités à Rungis. Ils échangent leurs expériences. Dans certaines réunions, il est difficile de maintenir le calme. Les réunions syndicales se déroulaient à Paris, rue du Louvre au siège de la Fédération Départementale des syndicats. Le syndicat a été transféré au Chesnay mais les réunions se font encore à Paris. Les réunions, au niveau national, avaient lieu deux fois par an pour l'assemblée générale du syndicat. Tous les cressiculteurs de France s'y réunissaient. Il y a de moins en moins de cressiculteurs qui viennent aux réunions. Il existe également des réunions au niveau départemental. Recettes avec le cresson ? (origine, fréquence des repas au cresson) Monsieur Lucas consomme régulièrement du cresson. Il est préparé en soupe ou bien cru en salade. Il le consomme comme condiment. Une tranche de jambon de Paris et une salade de cresson. Il fait des tartines de cresson et de l'alcool de cresson pour vendre le cresson au marché. Il en a fait aussi lors des fêtes du cresson. Le Comité des fêtes a fait un repas complet avec du cresson : soupe, omelette, fromage, tartes... Les produits finis servent pour la démonstration dans les stands commerciaux. Monsieur Barberot à Méréville fait beaucoup de produits dérivés avec le cresson. V] Conclusion Etes vous fier d'avoir exercé ce métier ? Ils pensent qu'avant les cressonniers étaient plus fiers de leur métier. Il est fier d'être cressiculteur. Il est fier de son travail, le cresson est le fruit d'un gros labeur. Quel regard portez-vous sur cette activité aujourd'hui ? Il est déçu actuellement du métier. Il ne gagne pas beaucoup d'argent pour le travail fourni. Il est inquiet pour l'avenir.

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