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Cote/Cotes extrêmes
Date
Organisme responsable de l'accès intellectuel
Description physique
Particularité du document
Origine
Modalités d'entrées
Prêt
Présentation du contenu
Dans le cadre de la Grande Collecte lancée en 2013 autour du centenaire de la Première Guerre mondiale, des personnes ont prêté aux Archives départementales de l'Essonne des documents uniques, intimes et précieux de leur ancêtre mobilisé, afin de partager et d'enrichir la mémoire collective.
Plaques de verre stéréoscopiques, photographies, cartes postales, carnets de dessins, carnets intimes de poilus, carnets de captivité, carnets de chansons, journaux, documents administratifs, livrets militaire, citations, médailles et objets de tranchées ainsi que des correspondances composent les documents prêtés. Tous ont été numérisés par Yves Morelle et Lisbeth Porcher, photographes aux Archives). La sous-série 32NUM est classée par prêteurs.
Accroissements
Série ouverte
Mode de classement
Classement par prêteurs.
Plan de classement :
32NUM1 : Fonds CHAMBLAIN (75 documents)
32NUM2 : Fonds CHARDON
32NUM3 : Fonds JACQUET (53 documents)
32NUM4 : Fonds NANTY
32NUM5 : Fonds LE PAUMIER
32NUM6 : Fonds ROZE-PORCHER
32NUM7 : Fonds POUPINEL
32NUM8 : Fonds GRAIS
32NUM9 : Fonds CARON
32NUM10 : Fonds BERTRAND
32NUM11 : Fonds PREVOT
32NUM12 : Fonds LEDEY
32NUM13 : Fonds GUIRAUD
32NUM14 : Fonds STOUVENEL
32NUM15 : Fonds SIVET (165 documents)
32NUM16 : Fonds GUCCIA-LEVET
32NUM17 : Fonds de M. CATHERIN
32NUM18 : Fonds NION
32NUM19 : Fonds BETRANCOURT (157 documents)
32NUM21 : Fonds RAYE
32NUM22 : Fonds VIRGOLINO
32NUM23 : Fonds LEFORT
32NUM24 : Fonds PERTHUIS
32NUM25 : Fonds CHARMILLON et GUILLEMINOT
32NUM26 : Fonds DELEPINE
32NUM28 : Fonds CANTELOUBE
32NUM29 : Fonds MICHAUD
32NUM36 : Fonds GACHOT
32NUM37 : Fonds TESSIER
32NUM38 : Fonds GORVEL
32NUM40 : Fonds AUBERGE_DE_LA_GARENNE
32NUM41 : Fonds MORCHOISNE
32NUM42 : Fonds PEYRONNET
32NUM43 : Fonds PERROT
32NUM44 : Fonds BRIAND (soldat concerné Marcel ROGER) (97 documents)
32NUM45 : Fonds LEVET
32NUM46 : Fonds PANNETIER
32NUM47 : Fonds LETELLIER
32NUM48 : Fonds MARCON
32NUM49 : Fonds CHARTON
32NUM50 : Fonds LABANSAT
32NUM51 : Fonds JAMBON
32NUM53 : Fonds GUILLEMIN
32NUM54 : Fonds BOURGERON
32NUM55 : Fonds PEZOT
32NUM56 : Fonds RAMEAU
32NUM57 : Fonds FLAMANT
Conditions d'accès
Communicable
Conditions d'utilisation
Tous les prêteurs ont rédigé un contrat de cession à titre gracieux des droits d'auteur.
Pour les Archives de l'Essonne : - droit de reproduire les images et documents afin d'illustrer les expositions, les publications et les dossiers pédagogiques.- droit de diffuser une sélection d'images sur le site internet www.centenaire1914-1917.essonne.fr et de mettre gratuitement à disposition du public la consultation d'images.
Pour les particuliers désireux d'obtenir des reproductions : l'autorisation des prêteurs est obligatoire.
Langue des unités documentaires
Informations sur le traitement
Documents numérisés depuis 2013, par Yves Morelle et Lisbeth Porcher, photographes aux Archives départementales de l'Essonne. Analyse et saisie par Lisbeth Porcher.
Mots clés matières
Mots clés typologiques
Cote/Cotes extrêmes
Date
Description physique
Origine
Biographie ou Histoire
Monsieur Pierre LEFORT et son épouse Madame Marie-Thérèse LEFORT prêtent aux Archives départementales de l'Essonne, en janvier 2014, puis en 2015 des documents manuscrits ayant appartenus à Monsieur Edouard LEFORT (père de Pierre Lefort).
Modalités d'entrées
Prêt
Présentation du contenu
Le fonds se compose d'un registre manuscrit constitué des souvenirs de guerre de Monsieur Edouard LEFORT et de deux recueils manuscrits de chansons avec partitions musicales. Enfin un cadre comprenant les médailles militaires et commémoratives du soldat.
Mode de classement
Classement par personne et thématique
Conditions d'accès
Sans condition
Communicable
Conditions d'utilisation
Voir contrat de cession de droits d'auteur à titre gratuit, n° 23 de janvier 2014 et 2015.
Langue des unités documentaires
Informations sur le traitement
Numérisation faite en 2014 et 2015 par Yves Morelle et Lisbeth Porcher, photographes aux Archives dépatementales de l'Essonne. Saisie en 2017 par L. Porcher.
Cote/Cotes extrêmes
Date
Description physique
Origine
Biographie ou Histoire
Monsieur Edouard LEFORT
Etat civil :
Né le 26 mars 1896 à Paris,
Fils de Alexis Lefort et de
Demeurant à Paris au 4 rue de Courty
Profession : ouvrier chocolatier confiseur chez ses parents maison Lefort à Paris, rue N.-D. de Lorette.
Marié le1er mars 1922, à Clothilde Curtet, décédée en 1937.
Marié le 9 février 1938 à Renée Joron (mars 1899-juillet 1988).
1 enfant : Pierre Lefort, né le 2 octobre 1939
Après la guerre et guérison, il travaille à la société d'assurance Urbaine Vie comme encaisseur, Paris.
Edouard décède le 19 février 1963 à Cerny.
Modalités d'entrées
Prêt
Mode de classement
Classement thématique :
- "Souvenirs de guerre, 1915-1920", recueil d'Edouard LEFORT, 1930-1931 (32NUM23/1-213)
- Recueils manuscrits de chansons avec partitions musicales, sans date (Tome 1 : 32NUM28/214-346 ; Tome 2 : 32NUM23/347-413)
- Objet : Médailles militaire encadrées (32NUM23/414).
Conditions d'accès
Sans condition
Communicable
Conditions d'utilisation
Voir contrat de cession de droits d'auteur à titre gratuit, n° 23 de janvier 2014 et 2015.
Langue des unités documentaires
Informations sur le traitement
Numérisation faite en 2014 et 2015 par Yves Morelle et Lisbeth Porcher, photographes aux Archives dépatementales de l'Essonne. Saisie en 2017 par L. Porcher.
Mots clés matières
Cote/Cotes extrêmes
Date
Description physique
Origine
Modalités d'entrées
Prêt
Présentation du contenu
Registre manuscrit intitulé " Souvenirs de guerre, 1915-1920" écrit de 1930 à1931 par Monsieur Edouard LEFORT
Une terrible blessure de la face aurait dû le tuer, mais sa volonté de vivre et son extraordinaire bon moral lui permettent de supporter ses indicibles souffrances.
Mobilisé en 1915, presque cinq années dont trois passées dans les hôpitaux, de casernement en cantonnement, du front ouest au front oriental, Edouard Lefort nous livre le récit poignant de sa vie au service de la patrie durant la Première Guerre mondiale.
Conditions d'accès
Sans condition
Communicable
Conditions d'utilisation
Voir contrat de cession de droits d'auteur à titre gratuit, n° 23 de janvier 2014 et 2015.
Langue des unités documentaires
Notes
Les Gueules Cassées
En France, environ 15 000 soldats sont blessés au visage, défigurés, dû principalement aux éclats d'obus, de grenades ou de bombes.
Ces graves blessures ont entraîné le développement de la chirurgie maxillo-faciale, mais les blessés doivent subir de nombreuses interventions, pouvant durer plusieurs années. Ils souffrent non seulement dans leurs chairs mais aussi moralement et c'est ce qui est peut-être le plus difficile à supporter.
La blessure au visage n'est pas reconnue comme une infirmité (comme l'amputation ou la cécité par exemples), donc ne donne droit à aucune pension d'invalidité.
En 1921, Bienaîmé Jourdain, Alfred Jugon et le Colonel Picot (tous trois blessés de la face) vont créer l'Union des blessés de la face appelée « Les Gueules Cassées » pour venir en aide à leurs camarades défigurés et parfois abandonnés de tous et sans ressources. Pour faire reconnaître le droit à la réparation non prise en charge par l'Etat, l'Union des Gueules Cassées développent les aides aux blessés (allocations, bourses, prêts, rééducation&) en organisant des galas de bienfaisances.
Reconnue d'utilité publique en 1927, l'association ouvre une maison à Moussy-le-Vieux en Seine-et-Marne pour accueillir entre deux opérations des pensionnaires. Inaugurée en 1927 par le président de la république Paul Doumergue, cette maison permet aux hommes défigurés de retrouver une certaine sociabilité et de dépasser leur détresse grâce aussi au travail agricole dispensé sur le domaine (aujourd'hui 47 chambres).
En 1931, les Gueules Cassées sont financées par souscription puis à partir de 1933 par la Loterie Nationale.
En 1934, l'association acquière le domaine de Coulon dans le Var (aujourd'hui maison de retraite de toutes victimes du devoir et d'actes de courage ; 43 lits).
A l'initiative de Clémenceau, 5 mutilés de la face sont associés à la cérémonie de la signature du traité de Paix à Versailles, le 28 juin 1919. Choisis parmi 200 mutilés de la face en traitement au Val-de-Grâce, il y a Eugène Hébert, du 315e RI, décédé en 1957, Henri Agogué, du 4e bataillon de chasseurs à pied, mort en 1935, Pierre Richard du 102e bataillon de chasseurs à pied, mort en 1965, Albert Jugon,1er RI coloniale, mort en 1959 et André Cavalier du 2e zouave, mort en 1976. Placés près de la table où fut signé le traité de paix, les plénipotentiaires doivent défiler devant eux.
En 2001, l'association créée la Fondation des Gueules Cassées pour aider au développement des techniques de réparations crâno-maxillo-faciales.
Autres données descriptives
Résumé du reccueil de souvenirs (paru dans le Papyvore n° 40, 2014) :
Le feu sacré d'un ouvrier chocolatier
Edouard Lefort est ouvrier chocolatier à Paris dans l'entreprise familiale. Il a dix-neuf ans lorsqu'il reçoit sa feuille de route pour rejoindre le dépôt d'instruction de Decize dans la Nièvre.
Le 12 avril 1915, c'est le départ tant attendu. Il est heureux, tellement impatient de devenir
soldat modèle et fier surtout d'être affecté au 79e régiment d'Infanterie qui forme les soldats d'élites. Ses parents l'accompagnent en taxi à la gare de Lyon.
« Écris-nous, fais bien attention à toi, ne t'expose pas », recommande sa mère émue.
Pour Edouard, une nouvelle vie commence. Le train s'ébranle enfin en direction de la Bourgogne.
Il est rempli de conscrits qui profitent de ce moment de liberté provisoire, sans ordre, ni surveillance, pour s'amuser, chahuter et casser un peu aussi. Si le casernement n'altère en rien la bonne humeur de ces jeunes hommes, les journées sont éprouvantes tout de même. Les vaccinations, les marches de jour, le montage de la tente, la couture, l'escrime à la baïonnette, la traversée d'un bras
de la Loire à gué, les exercices d'intonation pour apprendre à hurler et être entendu, les marches
de nuit de plus de trente kilomètres. Edouard maigrit de trois kilos en trois mois mais qu'importe,
il aime son métier de soldat et il est content lorsque enfin il apprend à tirer au fusil. Attention à
la luxation si le fusil est mal épaulé, le recul est important au moment du tir. Sérieux et bucheur, reçu 13e sur 97 à l'examen des élèves caporaux, il est nommé 1re classe avec un premier galon. Après huit mois d'instruction, Edouard a le feu sacré pour aller au front.
Vingt-neuf heures de train et douze kilomètres à pieds de nuit pour rejoindre Hargeville, près
de Bar-le-Duc, situé à trente kilomètres du front d'où il entend malgré tout le grondement sourd et puissant des canons. Il change de régiment et passe au 113e d'Infanterie. La vie y est plus rude qu'à la caserne. Il y a les marches dans cette boue gluante. Il y a le nettoyage des bandes,
des chaussures et de la capote qui ne sèchent pas et qui contraint les hommes à être toujours mouillé. Il y a le grand décrassage dans l'eau glacée du lavoir réquisitionné une fois par semaine. Il y a surtout la spécialité à choisir en plus d'être fantassin. Edouard choisit celle de grenadier.
Le boulot d'obusier lance grenade
La formation de dix jours à Loupy-le-Château est intensive avec l'apprentissage de l'alphabet Morse, de la signalisation, et du maniement de la grenade. La dégoupiller, puis la lancer rapidement car elle éclate au bout de quelques secondes demande un sang-froid qui n'est pas donné à tout le monde mais Edouard s'en acquitte avec succès et fier de son insigne de grenadier sur l'épaule il part en Haute-Marne à Louvemont. Avec ses camarades il installe son coin de repos dans une grange
qu'il déblaye. Chaque dimanche, une distraction différente. Tout est fait pour remonter le moral
des troupes. Concert, théâtre, cinéma des armées, concours de décoration de cantonnement, création d'une musique. Dieu des armées et Elle changea de trottoir sont des chansons bien entrainantes. Mais la nuit il creuse. Il creuse des sapes bien profondes. Il creuse des tranchées pour ensevelir les morts. Les morts sont alignés côte-à-côte, recouverts de leur toile de tente servant de linceul, quand la tranchée est pleine, on la comble. Cette vie déjà insupportable le serait plus encore sans cette grande camaraderie qui existe entre les soldats, mais Edouard a perdu son enfance et constate qu'il a bien vieilli en un an.
Fin juillet 1916, changement de coin, changement de régiment aussi. Au 311e régiment de méridionaux Edouard écope d'un sale boulot d'obusier lance grenade qui le déprime, mais quelle chance, il va être évacué pour un simple écoulement d'oreille. Dans le train sanitaire qui l'emporte loin du front avec de nombreux blessés, il remarque que les paysans cessent leur travail et se signent à leur passage. Heureusement, lui n'a presque rien.
Ragaillardi par quelques bons soins et l'air pur de l'Auvergne, il va travailler comme confiseur à la chocolaterie de Royat « À la marquise de Sévigné ». Trois heures et demi par jour, payé 0f 50 de l'heure, c'est une aubaine, les ouvrières gagnent à peine 3f par jour.
Adieu le 311e et bonjour le 35e, c'est son quatrième changement de régiment. Acheminé de dépôts en dépôts, Antibes, Toulon, Lons-le-Saulnier.
Embarquement pour l'Orient
Besançon, puis oh joie ! Permission à Paris où il passe le 1er de l'an en famille, Besançon encore, puis détachement au 3e Zouave et embarquement pour l'Orient abandonnant le bleu-horizon pour le kaki et le képi pour la chéchia. Cent trente-six heures de train et trois jours et demi de tangage et de roulis dans des vagues de dix mètres de haut à bord du Moustapha II parti de Tarente (Italie) pour Salonique (Grèce).
Salonique, ville cosmopolite où chaque nation alliée y a son camp. Côté organisation, le camp anglais est impeccable, le camp français, acceptable et le camp italien déplorable, car les hommes n'y ont pas de feuillée. Ville aux 17 minarets où les femmes sont entièrement voilées et le vin sucré.
La solitude lui pèse. Il a peu de nouvelles des siens mais en revanche il peut lire l'Opinion et l'Indépendant et écouter les informations de France par la TSF. Au bout d'une vingtaine de jours,
le régiment part direction l'Albanie, par chemin de fer à voie unique puis à pieds. Il faut franchir
les Alpes Helléniques. Le col est à 1923 mètres d'altitude. Les hommes se reposent dix minutes toutes les cinquante minutes. La chaleur insupportable la journée se change en froid intense la nuit.
Les hommes dorment à 4 dans leur petite tente d'un mètre de haut et parfois ils entendent des hurlements lugubres de loup. Tous les villages traversés sont misérables. Les gens portent des peaux de moutons entortillés en guise de chaussures. Certains se ruent sur les déchets de nourriture des troupes récupérant os et fonds de boîtes de singe.
Passage en Albanie à Biklista le 26 février 1917. Deux cent vingt-cinq kilomètres de train et deux cent cinquante à pieds, depuis Salonique et le voyage n'est toujours pas terminé.
Edouard remarque que les femmes triment comme des forçats, tandis que les hommes, peu courageux, fument, causent et se chauffent au soleil. Les enfants sont en haillons et pieds nus malgré le froid. C'est un pays de misère et tout semble pitoyable.
Sur les hauteurs du majestueux lac d'Okrida, long de trente kilomètres, c'est la guerre sans les tranchées et pour la première fois, Edouard monte la garde dans ce petit poste près de l'ennemi. Silence, solitude, les yeux qui fouillent l'obscurité. Un tronc d'arbre dénudé semble vite un ennemi. Tous les sens sont aux aguets. Même si l'on est brave, on appréhende, alors on contemple le firmament pour s'orienter. Edouard se demande pourquoi il a échoué dans ce régiment disciplinaire, lui qui n'a que compliments de ses chefs. Ses compagnons sont condamnés aux travaux forcés. Cinq ans pour vol de vin chez l'habitant, dix ans pour avoir giflé un sergent et de rudes sanctions pour
les mauvaises têtes. Ces durs à cuire s'en moquent, se distrayant de presque rien. Quelques pages de l'Amanach Vermot les amusent. Ils chantent, se racontent des histoires. Pour éviter les excès
de fièvre dû au paludisme qui fait des ravages, les hommes avalent chaque matin un comprimé
de Quinine.
Le baptême du feu
Pas assez d'action dans cet endroit pour des soldats de cette trempe, alors l'Etat-Major transfert toute la troupe en Serbie, où il y a de vraies tranchées avec d'authentiques Boches. Le vendredi 13 avril 1917, au ravin de Brunsnick, près de Monastir, Edouard reçoit son baptême du feu. Français et Allemands se disputent la même crête.
Les boches ont attaqué et pris deux lignes de tranchée. Nous allons riposter. Toute la nuit les 75
ont tiré. Les ambulances sont alignées dans l'ombre et attendent les blessés. Les hommes reçoivent leur ration de gnôle au goût d'éther et deux grenades. Tapis silencieux dans la tranchée de « la côte des Légionnaires » tous attendent fébriles.
« Attention, plus que trois minutes ! crie le sergent.
- En avant ! »
Il est neuf heures et quart et tous les hommes sortent de la tranchée en ligne, grimpent la crête et
se ruent sur la tranchée adverse. Les Boches se rendent. L'endroit est particulièrement dangereux.
Les obus tombent drus, à droite, à gauche, de plus en plus près, un véritable déluge de feu. Edouard est touché le 19 avril 1917.
J'ai l'impression& que mes poumons ont éclaté& je sens toute la terre s'ébouler sur moi, m'enterrant jusqu'au cou& je suis rudement touché& le sang coule à flots et m'étouffe& impossible de bouger& dégagé par un camarade& mes mains souillées de graisse, de terre et de sang& je promène ma main dans ma bouche, à droite il me reste quelques dents cassées, en bas vide complet, plus de lèvre
ni maxillaire.
La blessure
La volonté de vivre étant plus forte que tout et au prix d'un immense effort, il rejoint à quatre pattes le poste de secours. Gravement blessé, les brancardiers le descendent de la montagne et
le transportent au village, puis à dos de mulet et enfin en voiture jusqu'à l'hôpital de Florina. On lui ôte quelques esquilles et un bon pansement fait l'affaire jusqu'à Salonique d'où il est évacué.
Les dix-neuf hôpitaux accueillent les blessés qui sont répartis par types de blessures. On recoud ses chairs abîmées. Mademoiselle Alice Schaetzlé, Major de l'union des femmes de France s'occupe de lui. C'est une infirmière modèle, dévouée, efficace, réconfortante et toujours souriante pour tous, qui voit tout et pense à tout. Edouard est un blessé calme malgré ses souffrances. Pourtant ses nuits sont agitées de cauchemars où il se voit toujours dans les tranchées. Il ne peut se regarder dans un miroir tant il est écœuré. Dans l'impossibilité de parler il communique en griffonnant sur un carnet. Côté repas, ce n'est pas fameux non plus, il ne peut manger, du lait seulement ingurgité par biberon. Le 15 mai 1917, il est évacué sur un navire hôpital. Les morts sont jetés à la mer au cours de
la traversée de la Méditerranée.
Il est très affaibli mais heureux de revoir le sol français après dix-huit jours de mer. L'Hôtel-Dieu domine le vieux Marseille. Les cloches des églises sonnent. Le soleil brille et les hirondelles tournent et gazouillent. Edouard est saisi d'émotions et de bonheur. La faim le tenaille de plus en plus aussi. Devoir manger de la purée par biberon alors que ses compagnons d'infortunes dégustent haricots et pâtes est une véritable torture. Il ne pèse plus que cent deux livres ayant perdu cinquante livres en quarante-cinq jours. Sa fièvre ne baisse pas. On lui fixe des appareils pour redresser le maxillaire déboité. Il subit deux greffes de chair au niveau de la lèvre pour stopper l'écoulement de salive puis pour la réfection de sa cicatrice boursoufflée. En octobre 1918, il subit une greffe osseuse avec l'extraction de cinq centimètres et demi de cartilage de tibia, qu'on replace dans le maxillaire. Il lui manque huit centimètres de maxillaire.
Etendu sur le billard& l'infirmière me fixe de gros crampons de fer aux bras et aux jambes. Me voilà réduit à l'impuissance& heureusement sous anesthésie complète. Cette greffe nullement imposée mais conseillée lui permettra de redevenir peut-être comme avant. Edouard est confiant. Il est le sixième blessé à qui l'on tente cette opération. La mâchoire ficelée durant cinq mois, il souffre mais ne se plaint pas « un soldat blessé trouve naturel de souffrir à l'hôpital, comme il trouvait naturel de se faire tuer devant l'ennemi ».
Il faut maintenant réapprendre à manger, à parler, à être regardé aussi mais c'est possible.
En mars 1919, il rejoint le centre du Val-de-Grâce à Paris où les chirurgiens font tout leur possible pour redonner formes à ces pauvres êtres défigurés. À un camarade Edouard demande : « - depuis que tu es défiguré, ta femme t'aime toujours ? »
Comment sont-ils perçus ces hommes qui ne ressemblent plus à rien, par leur femme, leur famille ou la société ? L'Etat s'en occupe. Edouard reçoit une gentille pension et une carte d'invalidité
qu'il apprécie beaucoup lui permettant des avantages dans les transports, les théâtres&
Réformé le 31 mars 1920 après avoir été mobilisé cinq ans dont trois passés dans les hôpitaux, Edouard reçoit la médaille militaire en 1923, et la croix de chevalier de la Légion d'honneur en 1933.
Le chemin du retour vers la « vie normale » sera long, souvent très pénible. « Cela aurait pu être pire encore » pense-t-il.
Il y eu quatre-vingt pour cent en perte humaine, à la cote 1248, appelée cote des Légionnaires lors de l'attaque du 19 avril 1917, près du ravin de Brusnick.
Si Edouard trouve monstrueux les gens qui osent prétendre la guerre& nécessaire pour punir les peuples trop ambitieux, il est sacrement heureux de vivre. Le bonheur lui sourit, et Renée Joron
qu'il rencontre deviendra son épouse le 9 février 1938 à Cerny en Essonne.
Je remercie monsieur Pierre Lefort, son fils, pour sa gentillesse à nous avoir prêté le manuscrit des souvenirs de guerre de son père, apportant ainsi un éclairage sur sa vie de soldat durant ce terrible conflit.
Lisbeth Porcher
2014
Informations sur le traitement
Numérisation faite en 2014 par Yves Morelle, photographe aux Archives dépatementales de l'Essonne. Saisie en 2017 par L. Porcher.
Mots clés typologiques
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