TEMOIGNAGES ORAUX REALISES PAR LES ARCHIVES DEPARTEMENTALES DE L'ESSONNE - LE CRESSON EN ESSONNE.

Déplier tous les niveaux

Cote/Cotes extrêmes

13AV/1-42

Date

2004

Organisme responsable de l'accès intellectuel

Archives départementales de l'Essonne

Description physique

42 articles

Origine

DIRECTION DES ARCHIVES DEPARTEMENTALES (service producteur)

DIRECTION DES ARCHIVES DEPARTEMENTALES (service versant)

Modalités d'entrées

versement

Présentation du contenu

Cette collecte de témoignages oraux constitue une collection sur le thème du cresson et de la cressiculture. Elle faisait suite à une demande du PNR (Parc Naturel Régional du Gâtinais Français) qui souhaitait conserver et valoriser la mémoire des cressiculteurs de l'Essonne. 17 personnes ont été interviewées du 16 juin au 15 décembre 2004 par Christine Mathieu, archiviste oral aux Archives départementales de l'Essonne et par Yannick Le Chaudelec, chargé de mission au Parc Naturel Régional du Gâtinais Français (PNR). Elle représente 17 cassettes DAT et un témoignage uniquement sous forme écrite.

Les témoignages suivent un questionnaire pré-établi :

A) Présentation du témoin 1 - Nom, prénom et âge du témoin 2 - Etes-vous originaire de la région ? 3 - Quel métier exerçait vos parents ? 4 - Quels métiers avez-vous exercés autre que celui de cressonnier ? 5 - Avez-vous vécu ailleurs que dans la région?

B) Devenir cressonnier 1 - Quels sont vos premiers souvenirs liés au cresson ? Avez-vous grandi dans une cressonnière ? 2 - A quel âge avez-vous commencé à exercer votre profession ? 3 - Avez-vous eu le choix ? (si non, quelle autre activité auriez-vous voulu faire ?) 4 - Avez-vous été révolté de ne pas avoir eu le choix ?/ Etiez-vous heureux de pouvoir exercer cette activité ? 5 - Quelle scolarité avez-vous suivi ? (certificat d'étude, lycée, autres ?) 6 - Auriez-vous aimé faire des études ? 7 - Quelles sont les premières tâches que l'on vous a confiées dans la cressonnière ? 8 - Y-avait-il d'autres enfants/apprentis avec vous ? Quel âge ? 9 - Quelles étaient les conditions de travail lorsque l'on débute dans ce métier ?

C) Etre cressonnier 1 - Pouvez-vous nous raconter comment se déroulait une journée ordinaire sur une cressonnière ? 2 - Combien d'heures passiez-vous par jour au travail ? Temps de pause ? 3 - En quoi consistait le métier de cressonnier ? Y a-t-il de grandes différences avec aujourd'hui ? (gestes, outillages, langage..). Parlez-nous des paniers d'osiers, des genouillères, des planches à couper, des rouleaux à cresson, des cabanes et des abris (des rails Decauville). 4 - Combien étiez-vous à travailler sur la cressonnière ? 5 - Pouvez-vous nous expliquer quel type d'ambiance régnait sur les lieux (convivialité, animosité, rivalité, vie de groupe ou individualisme, ambiance familiale ?) 6 - Avez-vous en mémoire des journées qui vous ont marqués particulièrement (événement exceptionnel, hiver glacial, été caniculaire, autres) 7 - Avez-vous souffert de ce métier et comment faisait-on face à la pénibilité de la tâche ? 8 - Est-ce qu'il existe un parler spécifique aux cressonniers ? (patois, chansons) 9 - Quelles sont les images fortes qui vous restent de ce métier ?

D) Autour du cresson 1 - Quel place tenait la culture du cresson dans le village / canton ? 2 - Le métier de cressonnier était-il reconnu ? 3 - Avez-vous eu un rôle important au sein de la commune (maire, conseiller municipal, autres). Racontez-nous l'ambiance dans les conseils municipaux ? 4 - Vivait-on bien de la culture du cresson ? 5 - Pouviez-vous vous accorder des loisirs et si oui quels étaient-ils (bal, cinéma, congés payés, voyages). Est-ce que la Saint-Fiacre vous dit quelque chose ? 6 - Parlez-nous des fêtes du cresson (reine du cresson, chansons, rallye, stands commerciaux, produits vendus.) 7 - Restait-on exclusivement entre cressonnier également en dehors du travail ? 8 - Quelles relations entreteniez-vous avec le reste de la population du village ? Avec les agriculteurs ? 9 - Quelle image pensez-vous que les habitants se faisaient de vous ? 10 - Aviez-vous des relations avec les autres cressonniers de la région ? (rivalité, entraide, syndicalisme, mariage entre familles de cressonniers ?) Pouvez-vous nous raconter comment se déroulaient les réunions syndicales à Paris, en Essonne, dans le village ? 11 - Votre famille s'est-elle entièrement consacrée au cresson ? Recettes avec le cresson ? (origine, fréquence des repas au cresson) 12 - Comment s'organisaient la vente et la commercialisation du cresson, selon les époques ? Utilisation de moyens de transport (chevaux, chemin de fer, camions, vélos, motos). Changements apportés par le transfert des Halles de Paris à Rungis ? 13- Evolution de la demande et des consommateurs.

E) Conclusion 1 - Etes vous fier d'avoir exercé ce métier ? 2 - Quel regard portez-vous sur cette activité aujourd'hui ? 3 - Quels sont les grands changements que vous avez remarqués sur cette activité ? Les témoignages oraux originaux ont été enregistrés sur cassettes DAT et ont été transférés sur CD Audio qui sont les supports de communication et de conservation (13AV19-42).

Langue des unités documentaires

Français

LE CRESSON EN ESSONNE. SOUVENIRS DE LOUIS GUILLET (Méréville).

Cote/Cotes extrêmes

13AV/7

Date

2004

Importance matérielle

01/30/00

Caractéristiques physiques

produit fini, DAT, Interview

Origine

DIRECTION DES ARCHIVES DEPARTEMENTALES (service producteur)

DIRECTION DES ARCHIVES DEPARTEMENTALES (service versant)

Présentation du contenu

SOUVENIRS DE LOUIS GUILLET Le cresson à Méréville. Réalisé par Christine Mathieu, archives départementales de l'Essonne.

Louis Guillet, cressiculteur à la retraite, né en 1924 à Méréville.

Louis Guillet, cressiculteur à la retraite, nous raconte ses souvenirs sur sa carrière et sur l'histoire de la cressiculture à Méréville.

Quel métier exerçait vos parents ? Son père était cressiculteur. Il était devenu cressiculteur accidentellement, à 14-15 ans, pendant la 1ère guerre mondiale. En effet, pendant la 1ère guerre mondiale, son grand-père, qui était menuisier, avait du fermer son entreprise pendant 5 ans. Pendant ce temps là, son père avait grandi et n'a pas repris la menuiserie. Il s'est donc orienté vers la cressiculture. Son père (né en 1901) a travaillé chez Charles Lefèvre qui était son oncle et son parrain. Charles Lefèvre était venu par hasard à Méréville et avait essayé de creuser des fossés pour cultiver le cresson au lieu-dit Le Renonpuits. Finalement, il n'a pas réussi et a creusé les premières cressonnières au lieu dit La Laiterie. C'est le châtelain (de l'époque) de Méréville qui avait fait fermer les cressonnières parce que cela polluait son étang. En effet, les cressiculteurs mettaient du fumier dans les fosses comme engrais. Charles Lefèvre a fondé une autre cressonnière (au lieu dit Courcelles) que son père a reprise. Les parents de Monsieur Guillet travaillaient ensemble sur les cressonnières et les femmes faisaient le même travail que les hommes. C'était courant à cette époque là que les femmes de cressiculteur travaillent avec leurs maris, notamment à Méréville. II] Devenir cressonnier Quels sont vos premiers souvenirs liés au cresson ? /Avez-vous grandi dans une cressonnière ? Il venait voir ses parents pendant les vacances (il a été élevé par sa grand-mère). Tout jeune, il se souvient d'avoir roulé les brouettes remplies de bottes de cresson. Avant 12 ans, on était déjà dans le bain, on roulait les bottes. A quel âge avez-vous commencé à exercer votre profession ? Il a commencé à travailler dans les cressonnières à 12 ans, en 1936. Ce n'était pas exceptionnel, tout le monde commençait la vie professionnelle à cet âge là. Il a terminé à 65 ans. Il a commencé à travailler avec son père. Son père lui a appris le métier. Il n'existe pas d'école spécifique pour apprendre le métier de cressonnier. Avez-vous eu le choix ? (si non, quelle autre activité auriez-vous voulu faire ?) On n'avait pas le choix en ce temps là. Il était fils unique. Moi, on m'a donné une paire de genouillères et on m'a dit, vas couper du cresson. Avez-vous été révolté de ne pas avoir eu le choix ?/ Etiez-vous heureux de pouvoir exercer cette activité ? On ne pensait pas à choisir un métier différent de ses parents. Au début, on lui a imposé et le goût est finalement venu petit à petit. Avec le recul maintenant, il aurait aimé être chauffeur de car. Quelle scolarité avez-vous suivi ? (certificat d'étude, lycée, … ?) Certificat d'étude. Auriez-vous aimé faire des études ? Oui. Il aurait souhaité faire des études. Il a appris par lui-même l'allemand et le portugais (méthode assimil). Il a travaillé avec des portugais, alors il souhaitait comprendre la langue. A son époque, il n'y avait rien à Méréville pour continuer des études. Il a connu seulement trois bacheliers et une personne qui avait le brevet supérieur. Il fallait avoir de l'argent pour pouvoir faire des études au-delà du certificat d'études. Quelles sont les premières tâches que l'on vous a confiées dans la cressonnière ? Quelles étaient les conditions de travail lorsque l'on débute dans ce métier ? On nous mettait à botteler de suite. On faisait travailler les enfants comme des adultes. A 12 ans, on se sent adulte mais on souffre du froid. Les débuts dans ce métier sont difficiles : il faut endurcir les genoux et s'habituer à la pénibilité du travail. On n'avait pas le droit de se plaindre. Y avait il d'autres enfants/apprentis avec vous ? Quel âge ? Non. III] Etre cressonnier Son exploitation faisait 60 ares. C'était une exploitation assez grosse. Pouvez-vous nous raconter comment se déroulait une journée ordinaire sur une cressonnière ? Combien d'heures passiez-vous par jour au travail ? Temps de pause ? Il y avait une organisation du travail à faire pour exploiter le cresson en même temps que les pommes. Son père avait essayé l'apiculture mais les travaux tombaient aux mêmes périodes de l'année. Les horaires de travail : en saison, ils commençaient à travailler avec le lever du soleil, vers 6 heures le matin. En hiver, vers 7 heures - 7 heures 30. Ils terminaient vers 18 heures - 19 heures. Une journée de travail de 10 heures était le minimum, parfois en saison, ils travaillaient 12 ou 13 heures. Avec ses parents, il a souvent déjeuné sur les cressonnières, dans les cabanes qui n'étaient pas chauffées. Ils réchauffaient des plats et des soupes avec des réchauds. Quand il travaillait à son compte, il rentrait chez lui pour déjeuner. Sa femme se levait à 4 heures du matin pour livrer le cresson à Rungis. Quand elle revenait, elle repartait faire des tournées pour livrer des pommes (magasins aux alentours : Carrefour, marchés...). Ils travaillaient tous les jours, même le dimanche selon les commandes pour le lundi. Ils coupaient et livraient tous les jours parce qu'il n'existait pas de frigos pour pouvoir livrer toujours de la marchandise fraîche. Le soir, après la journée de coupe, on faisait l'emballage du cresson. En quoi consistait le métier de cressonnier ? Y a-t-il de grandes différences avec aujourd'hui ? (gestes, outillages, langage..). Parlez-nous des paniers d'osiers…, des genouillères…, des planches à couper, des rouleaux à cresson, des cabanes et des abris. (des rails Decauville). Comment s'organisaient la vente et la commercialisation du cresson, selon les époques ? Utilisation de moyens de transport (chevaux, chemin de fer, camions, vélos, motos…). Changements apportés par le transfert des Halles de Paris à Rungis ? La coupe du cresson : elle se faisait à genoux sur une planche avec des genouillères. Les genouillères serrent énormément les jambes. On en souffre beaucoup en débutant, puis après on s'habitue. Avant l'arrivée des frigos et des chambres froides, il fallait couper le cresson tous les jours pour que la marchandise reste bien fraîche. Quand on coupait à genoux, on avait le coude qui se reposait sur le genou gauche, ce qui rend la coupe plus facile que celle faite avec les pieds dans les fosses. Les bottes de cresson : on coupe le cresson dans les fosses et on fait directement les bottes sur le chemin. Il fallait avoir un coup de main, un savoir-faire particulier pour faire la botte avec le brin d'osier. C'était difficile de faire le nœud. On apprend vite à faire des bottes. Une fois, il a vu un de ses ouvriers qui avait le pouce en sang à force d'avoir fait des bottes avec l'osier. Le brin d'osier usait le pouce. Après la crise de la douve du foie, on a attaché les bottes avec des liens en plastique avec le nom du cressiculteur dessus pour bien reconnaître la provenance du produit. Les bottes de cresson à l'anglaise : les anglais coupent le cresson et le metten dans des paniers carrés, ils font les bottes ensuite à la cabane. L'emballage du cresson : les bottes de cresson, conservées dans les bassins d'eau dans les cabanes, étaient rangées dans des paniers d'osier. On mettait 216 bottes par panier, c'est-à-dire 18 douzaines. Son père a été le premier à arrêter de faire des paniers de 216 bottes. En effet, les mandataires, qui vendaient le cresson aux Halles de Paris, ajustaient le prix du panier sur 200 bottes de cresson et le reste était gratuit. Un jour, son père a décidé de mettre 200 bottes. C'était la révolution. Il y avait un seul cressonnier qui osait se révolter contre les mandataires et leur système. Tout le monde a suivi ensuite. Les cressiculteurs ne voulaient plus faire cadeau des 16 bottes restantes. Au moment de la création des Halles de Rungis, on a supprimé les paniers d'osier pour les remplacer par des caisses. Le semis : On sème début juillet. Le cresson se sème à la main sur des fosses à sec, sur un terrain humide. Les graines sont très petites et on doit les mélanger avec du sable. On humidifie tout d'abord la graine pendant une journée en la mettant dans des petits sacs qu'on laisse dans l'eau. On récolte la graine. Le cresson fleurit naturellement au mois de mai. On vide un peu d'eau du fossé pour que la fleur se transforme en gousse. Les gousses sont mûres, jaunies. On coupe le cresson à la faux et on le met à sécher au soleil. On obtient la graine par l'éclatement des gousses par le soleil. Ensuite on remet l'eau petit à petit dans les fosses sans que l'eau ne recouvre la feuille, sinon le cresson dépérit. On lâche l'eau au fur et à mesure que le cresson grandit. La date du semis est dépendant de la demande en cresson. On peut semer plus tôt ou plus tard en fonction des commandes. On peut semer le cresson d'été pour tenir la clientèle pendant l'été mais ce n'est pas très rentable parce que le cresson n'est rapidement plus bon parce qu'il fleurit. Il existe des échanges de graines entre différents collègues français. On mettait des engrais : du super phosphate. La ramonette : c'était un outil qui permettait de ramasser les insectes, les altises (pucettes). Il existait la ramonette individuelle qui mesurait 30 à 40 cm avec un petit filet métallique. Il existait également la grande ramonette qui faisait toute la largeur du fossé, on devait la tirer à deux personnes. On faisait ces opérations pendant le mois d'août et septembre. Actuellement, il doit y avoir des traitements chimiques. Les habits de travail : il travaillait sur les cressonnières par tous les temps. Il ne portait pas de gants pour se protéger du froid. Pour la pluie, il mettait des caparaçons : une plaque de tôle en arrondi (comme une carapace de tortue) fixée sur le dos. C'était difficile de le porter en période de grands vents, on pouvait s'envoler. Ce n'est pas trop lourd à porter, on le portait dès l'âge de 12 ans. Au début, c'était des tôles, puis des tôles en aluminium, puis des toiles en plastique montées sur des rotins. Ensuite, il a porté des imperméables. Les cabanes : il y avait un bassin rempli d'eau de source qui permettait de garder au frais le cresson coupé. On mettait les bottes de cresson dedans et cela permettait de le conserver à 12°C pour la journée. Le nettoyage des fossés : On arrachait le cresson pour l'évacuer à la brouette, ensuite on raclait la vase. On vidait les fosses à la pelle et on roulait la vase dans des brouettes. On lavait à l'eau les fosses pour enlever les lentilles d'eau. Avant ce travail était entièrement manuel, actuellement, on nettoie les fosses au formol. On schuellait avec une schuelle : c'était un outil qui permettait de gratter les fosses, d'enlever la vase. On nettoyait en juin et juillet, avant de semer. Les clients : ils vendaient aux commerçants des marchés pour le dimanche matin (Montrouge, La Convention, Kremlin-Bicêtre, Boulevard Brune dans Paris etc...). Quand les ventes fonctionnaient bien, les commerçants des marchés commandaient du cresson pour le lundi, alors il fallait travailler le dimanche. Les mandataires aux Halles de Paris : les cressiculteurs envoyaient le cresson aux mandataires qui les revendaient. Les mandataires vendaient le cresson sans responsabilités, c'est-à-dire que si le cresson n'était pas vendu, on le jetait et les cressiculteurs ne recevaient aucune indemnité. En théorie, chaque mandataire prenait 10% sur la vente, mais il y avait souvent de " la gratte ", c'est-à-dire que personne ne contrôlait les ventes du mandataire, alors il pouvait faire ce qu'il voulait. Les mandataires avaient tous les droits et les cressiculteurs ne pouvaient rien contrôler. Le problème était que les cressiculteurs donnaient le cresson aux mandataires avant la vente. Il fallait qu'une relation de confiance s'installe entre les cressiculteurs et les mandataires parce qu'il n'existait pas de contrat écrit établissant les modalités des ventes. Le cresson était vendu au panier et le revendeur était obligé de prendre un panier complet. Avec les caisses à Rungis, on pouvait vendre de plus petites quantités. Il existait quatre mandataires aux Halles de Paris : les frères Klein (famille par alliance de la famille Barberot de Méréville), Thévenin et Minard, Fabre et Métiers, Titoust. Ils étaient également à Rungis. Les mandataires venaient de temps en temps dans les cressonnières pour faire des affaires. Fabre et Métiers venaient surtout après les grosses gelées : ils venaient voir les gros dégâts dans les cressonnières de la région. Ils pouvaient prévoir donc les ventes et les prix qu'ils allaient fixer. Les mandataires payaient les cressiculteurs tous les mois, de façon régulière. Ils envoyaient le chèque par la poste avec un relevé des ventes. Il n'existait pas de contrôle sur les payements. Les magasins Carrefour : il a commencé à travailler avec les Carrefour dans les années 1970 : Orléans, Sainte-Geneviève-des-Bois, Les Ulis, Garonor, Châtres. Les paniers d'osier : Ils fabriquaient eux-mêmes leurs paniers ou les achetaient à des vanniers. Un des employés de Monsieur Guillet était doué pour faire des paniers. On cultivait de l'osier pour pouvoir fabriquer les paniers et les brins d'osier qui servaient à attacher les bottes. Chaque cressonnier avait sa culture d'osier. Il faisait les brins d'osier le soir. On faisait ces tâches dès la plus jeune enfance dans les familles de cressonniers. Le transport du cresson : Pendant la 2ème guerre mondiale, on transportait le cresson par train. On l'emmenait à la gare de Méréville. Au début de la culture du cresson à Méréville, Charles Lefèvre menait son cresson à la gare d'Angerville avec son cheval et sa charrette (8 kms). Ensuite, le cresson était emmené à Paris par camions (transporteurs). Le système de ramassage par transporteurs a commencé dans les années 1932-33. Le transporteur s'appelait Conilleau. Ils passaient tous les jours en saison, de septembre à mai. En hiver, quand il n'y avait pas beaucoup de marchandises, ils passaient seulement deux ou trois fois par semaine. Ils amenaient alors eux-mêmes le cresson aux Halles Centrales de Paris. Quand il y a eu les Halles à Rungis, Madame Guillet emmenait le cresson par camionnette personnelle. Elle se levait à 4 heures du matin. Elle y allait tous les jours. Le vendredi, elle faisait deux tours pour les pommes et le cresson. Le vendredi, elle faisait souvent deux tours pour le cresson. On coupait du cresson pendant son trajet vers Rungis pour recharger la camionnette dès son retour. Pour les pommes, elle les emmenait à Carrefour. Elle fournissait les marchés mais ils n'ont jamais vendu eux-mêmes le cresson ni sur les marchés ni à Rungis. La machine à couper le cresson en vrac : cette machine a été inventée par deux frères qui s'appelaient Cavan. Ils voulaient inventer une machine pour couper le cresson en vrac. Ils avaient réalisé une ébauche de machine qui n'avait pas abouti. En fait, à partir des plans des frères Cavan, Pierre Largant, un plombier de Méréville, Monsieur Petit et Monsieur Louis Guillet, des cressiculteurs de Méréville ont réalisé en partenariat une machine. Cette machine a été commercialisée. Monsieur Pierre Largant a réalisé par la suite une trentaine de machines, dont trois pour l'Angleterre. Au début, la machine était montée sur un chariot tiré manuellement par deux personnes de chaque côté de la fosse. Il fallait trois personnes, deux pour tirer la machine et une avec une brouette pour récupérer le cresson coupé qui tombait dans un tiroir. Monsieur Guillet ne trouvait pas cette machine assez rentable : quand les deux qui tiraient la machine travaillaient, le troisième ne faisait rien et quand celui qui ramassait le cresson travaillait, les deux autres ne faisaient rien. Il fallait la rendre automotrice. Cette machine a coûté beaucoup d'argent parce qu'il fallu trois ans pour qu'elle soit opérationnelle. Le principe de la machine : une aspiration, une lame de coupe. Le plus difficile, c'était de guider le cresson sur la lame au bon endroit pour qu'il soit bien coupé. Il fallait trouver l'astuce pour soulever le cresson une fraction de seconde pour que la lame l'attrape au bon endroit. L'installation des Halles à Rungis : on a gagné du temps pour la livraison des produits. Parfois, quand on arrivait aux Halles Centrales de Paris, on était bloqué dans les rues alentours par les autres livraisons. C'était difficile d'accès. Ils possédaient trois camionnettes. Ils livraient eux-mêmes le cresson aux Halles de Paris quand le ramassage n'était pas fait par le transporteur. En effet, ce dernier, s'il n'avait pas assez de marchandise, pouvait décider de ne pas ramasser le cresson. La machine à faire des bottes : il y a eu des tentatives pour faire des bottes avec une machine, mais cela n'a pas abouti. Combien étiez-vous à travailler sur la cressonnière ? Ils étaient quatre à travailler sur les cressonnières à l'année. Madame Guillet faisait le chauffeur pour les livraisons. Monsieur Guillet formait les ouvriers au métier de cressiculteur. Il a employé des ouvriers portugais. Les employés voyaient le métier comme un métier de passage. Le personnel faisait les deux métiers (cresson et culture de la pomme). Pouvez-vous nous expliquer quel type d'ambiance régnait sur les lieux (convivialité, animosité, rivalité, vie de groupe ou individualisme, ambiance familiale… ?) A Méréville, il existait une bonne ambiance entre cressiculteurs. Les cressiculteurs s'entraidaient. Dans les autres villages, il n'existait pas la même ambiance. Parfois, un de leurs collègues venait les aider à couper le cresson pour qu'ils puissent fournir leurs clients et eux, en échange, emmenaient le cresson du collègue à Rungis. Certains n'avaient pas les moyens de s'acheter des motofaucheuses, alors ils allaient faucher leurs chemins en échange d'autres services. Avez-vous en mémoire des journées qui vous ont marqués particulièrement (événement exceptionnel, hiver glacial, été caniculaire, autre…) En cas de grand gel ou de neige, il fallait enfoncer le cresson avec la paque. Après, on a utilisé les voiles plastiques pour protéger le cresson. Pour paquer, il fallait bien s'entendre. Il fallait soulever, faire un pas et baisser la paque, les deux personnes devaient bien s'entendre pour faire les mouvements en même temps. On marchait sur le chemin, un de chaque côté de la fosse. Après, on a utilisé des rouleaux en grillage, cela permettait d'aller plus vite. Après les grosses gelées, on récupérait le cresson qui avait résisté. En hiver 1955-56, il y a eu de grands dégâts de gel. Il se souvient que les enfants de Monsieur Barberot faisaient du patin à glace sur les fossés à cresson. Il se souvient que la Juine a gelé. Cette année là, ils ont du ressemer le cresson hors saison à cause des grosses pertes. Il se souvient des hivers 1940-41 et 1941-42 où il a gelé pendant deux mois de suite. On disait à cette époque : les Allemands avaient amené le froid. Il se souvient d'avoir mis de la paille dans les fossés pour protéger le cresson, quand les voiles plastiques n'existaient pas. C'était très difficile d'enlever la paille. On la mettait sur la glace pour réchauffer les fosses. On ne pouvait rien couper pendant les mois de gel. Mais il fallait quand même payer les ouvriers, en prenant sur les réserves. Les subventions ou les aides n'existaient pas. Avez-vous souffert de ce métier et comment faisait-on face à la pénibilité de la tâche ? J'ai toujours souffert du froid, même encore maintenant.Il ne connaît pas beaucoup de cressiculteurs qui ont eu des rhumatismes, même en ayant les mains en permanence dans l'eau. La tâche la plus difficile dans ce métier, c'était le nettoyage des fosses : rouler les brouettes, enlever la vase. La coupe était moins difficile finalement. Est-ce qu'il existe un parler spécifique aux cressonniers ? (patois, chansons) Non. IV] Autour du cresson Quelle place tenait la culture du cresson dans le village / canton ? Le métier de cressonnier était-il reconnu ? Restait-on exclusivement entre cressonnier également en dehors du travail ? Quelles relations entreteniez-vous avec le reste de la population du village ? Avec les agriculteurs ? Quelle image pensez-vous que les habitants se faisaient de vous ? Dans les années 1950, il existait 21 cressonnières à Méréville. C'était la grande époque. L'amitié entre cressiculteurs était forte : la grande famille des cressonniers de Méréville. Il existait une bonne ambiance au sein du village. Les cressiculteurs ne sont pas considérés comme des maraîchers, ni des cultivateurs. Ils étaient toujours à part. Méréville était considéré comme chef de file dans la culture du cresson au niveau national. Le syndicat demandait beaucoup de conseils aux cressiculteurs de Méréville. Les exploitations à Méréville n'étaient pas de la même grandeur que dans les autres communes du département. On cultivait le cresson à grande échelle, dans de grandes exploitations qui employaient des ouvriers. Dans les autres communes, on travaillait seul sur des plus petites exploitations. Méréville a toujours été la commune où il y avait le plus de cressonnières. La nature des terrains était favorable à cette culture. Les cressonnières du village se situent dans un endroit qui a été déboisé à partir des années 1920. La dernière cressonnière crée à Méréville date de 1940, celle de Monsieur Daumur. Actuellement, il existe 13 exploitations qui représentent 10 hectares. La cressonnière expérimentale : dans les années 1970, il y avait un projet d'utiliser l'eau des sources de Méréville pour alimenter en eau potable la ville nouvelle d'Evry. Malheureusement, avec ce système, les cressiculteurs n'avaient plus assez d'eau pour travailler. Une cressonnière expérimentale avait été inventée à Méréville pour pouvoir fonctionner avec un débit d'un litre d'eau par heure avec un système d'humidification par le sol. Avez-vous eu un rôle important au sein de la commune (maire, conseiller municipal, autre…). Racontez-nous l'ambiance dans les conseils municipaux ? Monsieur Guillet n'a jamais été élu au Conseil municipal. Les cressonniers s'arrangeaient toujours entre eux pour que leur profession soit représentée au conseil municipal. Il existait une petite stratégie politique. Monsieur Pierre Barberot a été maire mais il était ancien cressiculteur. Vivait-on bien de la culture du cresson ? Les ventes et les débouchés étaient très instables, même dans les années 1930-40. C'est pour cela que son père avait diversifié ses cultures (cresson et arboriculture). De plus, il y a eu des problèmes sanitaires par la suite (douve du foie). Pour perdre la clientèle, il faut trois mois mais pour la regagner, il faut 10 ou 20 ans. En effet, du jour au lendemain, suite à un article dans le journal sur une affaire de douve sur des cressonnières en province, les clients ont eu peur de manger du cresson, quelque soit son origine. Pouviez-vous vous accorder des loisirs et si oui quels étaient-ils (bal, cinéma, congés payés, voyages…). Est-ce que la Saint-Fiacre vous dit quelque chose ? On n'a jamais fêté la Saint-Fiacre à Méréville. C'était plutôt la fête des maraîchers. A Orléans, on fête beaucoup cette fête. Le métier de cressiculteur prenait beaucoup de temps. On ne pouvait pas prendre de congés facilement. Monsieur Guillet n'a pas pris de jour de congé pendant 11 ans. Il faisait du vélo pour son loisir. Il faisait du tandem avec sa femme. Il a pratiqué le cyclotourisme dès l'âge de 14 ans. Parlez-nous des fêtes du cresson (reine du cresson, chansons, rallye, stands commerciaux, produits vendus….) En 1939, on a élu la première reine du cresson : Madame Yolande Lubin. [cf. Photo]. On avait fêté l'anniversaire d'une dame dans le village qui avait 100 ans. A cette occasion, les cressonniers avaient élu une fille de cressonnier comme reine du cresson. Il y a eu une fête foraine et un bal. La seconde guerre a éclaté 15 jours après cette fête qui n'a pas été reprise. La fête du cresson a été remise au goût du jour à Méréville dans les années 1990, au moment des fêtes de Pâques. La première fête a eu un gros succès et les cressiculteurs y ont vendu énormément de cresson. Dans les années 1960, il existait une fête du cresson à D'Huison-Longueville. Cette fête a duré trois ans et a été abandonnée. Lors de cette fête, on a montré le prototype de la première machine à couper le cresson. Aviez-vous des relations avec les autres cressonniers de la région ? (rivalité, entraide, syndicalisme, mariage entre familles de cressonniers… ?) Pouvez-vous nous raconter comment se déroulaient les réunions syndicales à Paris, en Essonne, dans le village … Ils fréquentaient les autres cressiculteurs des autres villages. Il y a souvent eu des réunions chez Monsieur Guillet pour discuter des problèmes dans la profession. Le syndicat : il existait un groupement du syndicat des cressiculteurs à Méréville dont Monsieur Guillet (père) était le président. Le président du syndicat était Edouard Royer et habitait d'Huison-Longueville, ensuite c'était Monsieur Lucas. Monsieur Guillet avait des contacts réguliers avec les cressiculteurs des autres pays européens : en Angleterre, au Portugal. Au Portugal, il se souvient d'avoir vu des champs de cresson qui n'était pas dans des fosses. Ils humidifient le sol artificiellement avec des petites marettes. Restait-on exclusivement entre cressonnier également en dehors du travail ? La vie individuelle était respectée. On ne fréquentait pas spécialement que des cressiculteurs. Votre famille s'est-elle entièrement consacrée au cresson ? Non. Il s'était spécialisé dans l'arboriculture parce que les ventes de cresson n'étaient pas toujours stables. 50% arboriculture (culture de la pomme). Au moment de la crise de la douve du foie, Monsieur Guillet s'est un peu recentré sur l'arboriculture parce que les ventes de cresson avaient énormément chuté. Ils employaient beaucoup d'ouvriers portugais. Recettes avec le cresson ? (origine, fréquence des repas au cresson) On mange du cresson régulièrement. Son père mâchait les feuilles de cresson quand il faisait les bottes sur les cressonnières. V] Conclusion Etes vous fier d'avoir exercé ce métier ? Pas de fierté particulière. C'était un métier comme un autre. Sa fille n'a jamais travaillé sur les cressonnières. Ses parents ne l'ont jamais encouragé pour poursuivre l'exploitation. Ils voulaient que leur fille ait une autre vie, plus facile. En plus, ce n'est pas facile de travailler en famille. Il a gardé quelques fosses pour lui et loue l'autre partie à la famille Barberot. Quel regard portez-vous sur cette activité aujourd'hui ? Sur 900 exploitations, il n'en reste actuellement plus que 160 sur toute la France. C'est un métier qui tend à disparaître. Il faut aimer le travail pour faire ce métier. On ne peut pas avoir de loisir quand on exerce ce métier. C'est un métier très difficile. On trouvait difficilement du personnel, beaucoup d'enfants de l'Assistance publique venaient travailler dans les cressonnières en tant qu'ouvriers. Personne ne voulait travailler aussi difficilement. Quels sont les grands changements que vous avez remarqués sur cette activité ? C'est une profession qui s'est très peu modernisée. On a seulement inventé une machine pour couper le cresson en vrac. Finalement, beaucoup de cressiculteurs continuent la coupe manuelle. En coupant à la planche, on se reposait plus le dos. Actuellement, beaucoup de cressiculteurs descendent à pied dans les fossés. Dans son temps, cette méthode aurait été impensable. Actuellement, il y a de plus en plus de cressiculteurs qui commencent à avoir des maux de dos. Le fauchage des chemins se fait maintenant mécaniquement alors qu'avant tout se faisait manuellement à la faux. Il fallait faucher cinq fois par an. Ces progrès ont été vraiment bénéfiques pour le travail quotidien. Les voiles plastiques ont permis également de changer le métier.

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