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Au mois de juin 1995, l'association Mémoire et Patrimoine vivant, dont le siège est à Corbeil-Essonnes, au 10, rue de la Commanderie, prenait spontanément contact avec les Archives Départementales de l'Essonne pour présenter son activité d'enquête orale auprès des témoins essonniens ayant vécu les principales transformations de l'ancienne Seine-et-Oise puis de l'Essonne depuis le début de notre siècle. Très vite, l'idée d'une collaboration entre l'association et les Archives départementales naquit et, se précisant, aboutit à une convention de dépôt des entretiens filmés entre Mémoire et Patrimoine vivant et le Département de l'Essonne, approuvée par délibération du 22 avril 1996. Cette convention a un objectif très précis : la sauvegarde, dans une institution publique pérenne, d'une mémoire collectée par des acteurs passionnés du mouvement associatif, auprès de particuliers représentatifs du monde industriel, commercial, scientifique de l'Essonne. La spécificité de l'association est son choix de l'image animée, novateur actuellement en France dans le domaine des enquêtes orales. Mémoire et Patrimoine vivant part d'un constat simple, qui fixe les apports de chacun des partenaires : à l'association, la collecte, les démarches visant à obtenir des témoins l'accord pour une diffusion et une communication immédiate ou après délai de l'enquête ; aux Archives, l'analyse normalisée des reportages sous la forme de bordereaux appelés aussi à l'Institut national de l'audiovisuel ou dans les chaînes régionales de télévision -conducteurs-, la conservation matérielle et, si l'accord du témoin est obtenu, la communication au public dans la salle d'audiovisuel prévue à cet effet. Des réunions régulières entre les bénévoles de l'association et les collaborateurs des Archives de l'Essonne permettront aux bordereaux d'évoluer et de s'harmoniser. Une quarantaine d'entretiens a été réalisée depuis deux ans et les analyses se poursuivent aux Archives départementales qui développent ainsi un nouveau secteur d'activité prenant en compte tous les supports de la mémoire d'aujourd'hui.
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SOUVENIRS DE MADAME DUBOIS
Madame DUBOIS, née en 1937, habitante de Corbeil-Essonnes. Elle a vécu son enfance sur le bateau-lavoir situé sur la Rive droite de la ville près de l'ancien pont de la Seine.
Madame DUBOIS, née à Corbeil, nous fait part de ses souvenirs de la Rive droite, du bateau-lavoir de ses grands-parents et de l'ambiance du quartier sur une période allant de 1940 à 1996.
00 mn à 1 mn Présentation de l'association " Mémoire et Patrimoine vivant ". Monsieur Breteau présente Madame DUBOIS qui est née sur la Rive droite de Corbeil. Il évoque les relations qu'il y avait entre la population de la Rive droite et celle de la Rive gauche. 1 mn à 2 mn Madame DUBOIS est née à Corbeil. Elle a passé son enfance à Corbeil sur la Rive droite et habitait près de la place Saint-Léonard, sur un bateau appelé le bateau-lavoir. Il était situé entre le port du boulanger et la ruelle de la Motte, en face de la mairie et à côté de l'Hôtel Bellevue. Ce bateau-lavoir faisait blanchisserie et bains-douches. Madame DUBOIS nous explique que sa famille, du côté paternel, appartenait au corps de métier des Mariniers. Du côté maternel, ils étaient ouvriers. Elle nous raconte comment elle a appris à nager très tôt car c'était une nécessité sur le bateau. Elle évoque une anecdote à propos de la fois où elle a failli se noyer quand elle était enfant. Elle nous précise que beaucoup de gens allaient nager l'été dans la Seine, il n'y avait pas de piscine sauf la Baignade. 2 mn à 7 mn Elle est allée à l'école du Paradis à Corbeil qui se trouve sur la Rive droite. Elle nous la décrit et trouve qu'elle n'a pas beaucoup changé. Elle nous cite les différentes maîtresses de l'école et leur caractère. Elle est également allée à l'école maternelle qui s'appelait l'Asile et qui se trouvait rue du 14 juillet. Cet endroit a actuellement disparu. Elle se souvient des fessées qu'elle recevait à l'école pour avoir fait pipi dans sa culotte. Ensuite, elle est allée à l'école Sainte-Marie où l'ambiance était très sévère. Son père est mort au début de la seconde guerre mondiale quand elle avait 2 ans et demi, le 14 mai 1940. Son frère était né le 8 avril 1940. 7 mn à 9 mn Elle se rappelle qu'elle utilisait des encriers à l'école. Une femme de ménage faisait de l'encre et remplissait les encriers. A 14 ans, elle a passé son certificat d'études qu'elle n'a pas obtenu. Elle a quand même appris à lire, à écrire et à compter. Elle raconte ses souvenirs de bêtises et de chahuts à l'école. 9 mn à 13 mn Elle nous décrit l'ambiance qu'il y avait dans la rue du 14 juillet. Elle cite les docteurs de ce quartier qui étaient très dévoués et renommés. Le quartier était très pauvre et ils n'étaient pas toujours payés. Selon elle, le côté financier était moins important qu'aujourd'hui. Les maisons de ce quartier étaient très insalubres et il n'y avait pas le même système d'assistance financière qu'actuellement. Ses grands-parents étaient commerçants donc elle se sentait privilégiée par rapport à ses amis. Elle nous explique qu'une grande vague d'immigrants italiens et polonais avait eu lieu vers l'année 1923. Ils venaient pour travailler dans les champs et dans les mines. Ils travaillaient également dans les grandes entreprises comme Decauville, la Papeterie. La misère était très présente dans ce quartier mais il y avait une grande solidarité. Il y avait des champs tout autour et beaucoup d'agriculteurs. 13 mn à 16 mn Elle cite les différents commerçants du quartier, notamment le maréchal-férrant, le bourrelier, les cafés de Paris sur la place Saint-Léonard, la droguerie, la librairie, la boulangerie Duchesne. Tout le monde se connaissait car il n'y avait pas de télévision. La Rive droite possédait un certain esprit de village. Les gens restaient beaucoup dans leur quartier. On allait à la messe à l'église Saint-Spire. Elle se rappelle qu'il y avait un octroi (endroit où l'on payait la dîme) dans la rue Féray et une autre sur la place Saint-Léonard (il y en avait un à chaque entrée de la ville). 16 mn à 18 mn Elle explique qu'elle n'allait presque jamais sur la Rive gauche sauf pour rendre visite à une arrière-grand-mère. Selon elle, les gens de la Rive gauche étaient plus bourgeois que ceux de la Rive droite qui étaient ouvriers. En fait, elle explique cette différence par le fait qu'il y avait des mairies de tendance politique différente, celle d'Essonnes était communiste tandis que celle de Corbeil était de radical. 18 mn à 22 mn Elle nous détaille les loisirs dans son enfance. Elle allait au cinéma le dimanche. Il y avait quatre cinémas : le Féray, près du café du Théâtre, le Stella, l'Artistique et l'Eden. Les séances étaient à 14 heures, 17 heures et plus tard le soir. Les autres jours de la semaine, ils n'avaient pas le temps d'aller au cinéma. Il y avait également le bal au Palace et aux Muses, rue de Paris. Elle nous explique que l'insécurité dans les rues était moins présente malgré quelques bagarres. 22 mn à 29 mn Elle nous explique que les Dominicains du Saulchoir à Etiolles se sont beaucoup occupés des jeunes de la Rive droite en leur proposant des animations. Elle évoque la première messe de minuit à Noël organisée dans la grange de son grand-père qui se situait rue des Granges, à la fin de la seconde guerre mondiale. Elle nous décrit l'ambiance de cette messe. Une deuxième avait été organisée dans l'ancienne cave aux vins de l'épicier près du restaurant " Le Gaulois ". Ces messes réunissaient énormément de monde de la Rive droite. Elle se rappelle que le maréchal-férrant, Monsieur Canchon y chantait. Les jouets de Noël consistaient en des meubles en bois fabriqués par son oncle menuisier et des oranges. Elle nous décrit le déroulement de la nuit de Noël et ses grands-parents qui allaient à la messe pendant que les enfants dormaient. Il n'y avait pas de grand repas comme actuellement. Le 1er janvier, sa grand-mère réunissait toute la famille pour manger du boudin blanc. Elle évoque les problèmes de ravitaillement en pain pendant la seconde guerre mondiale. Sa grand-mère élevait des poules. 29 mn à 32 mn A la fin de la seconde guerre mondiale, elle a connu l'exode à Saintry, à la veille de la Libération. Elle se souvient des sirènes et de s'être réfugiée dans les abris situés dans les caves de la rue de la Poterie. Elle s'enfuit aux Marines, rue du 14 juillet au moment du bombardement du pont. Le bateau a été tracté. Après la guerre, on a remis le bateau à sa place. Un des trois bateaux a coulé. Elle se rappelle également d'avoir entendu des coups de mitraillettes dans les bois qui correspondaient à des combats entre Allemands et Américains. 32 mn à 35 mn Elle nous décrit les activités du bateau-lavoir pendant la seconde guerre, il avait été réquisitionné pour laver le linge des Allemands. Elle se souvient d'avoir vu un bateau rempli de farine couler et des jeunes sont allés récupérer les sacs pour faire du pain. C'est la première fois que Madame DUBOIS mange du " pain blanc " cuit par sa grand-mère dans la salle à manger. Quant aux bombardements de 1944, elle se rappelle qu'elle était à Saintry et son grand-père était dans la défense passive, c'est-à-dire secouriste en cas de bombardements. A l'arrivée des Américains, elle a mangé son premier chewing-gum que son grand-père lui avait donné. 35 mn à 38 mn Elle se souvient du jour où son arrière-grand-mère est morte, sa famille l'a envoyée au cinéma le Féray pour voir le film " Fabiola ", pour profiter des distractions dont elle serait privée après la mort de sa grand-mère. S'en est suivis 2 à 3 ans de deuil, un temps où il y avait peu de distractions. 38 mn à 39 mn Elle a été élevée par sa grand-mère paternelle qui l'a très marquée. Elle décrit les rythmes de travail de ses grands-parents. 39 mn à 45 mn Madame DUBOIS nous explique qu'elle n'est pas souvent allée à Paris jusqu'à l'âge de 16 ans. Elle y allait parfois pour se rendre à la piscine des Tourelles ou au zoo de Vincennes avec l'école. Comme elle était pupille de la Nation , elle aurait pu bénéficier de 3 ans de formation pour un métier entièrement financée par l'Etat. Elle voulait devenir coiffeuse mais sa grand-mère a refusé parce qu'elle n'a pas voulu qu'elle aille à Paris assister aux cours. Alors à 14 ans, elle s'inscrit au Bureau de Placement de la mairie pour chercher du travail. Elle a eu du travail tout de suite en tant que " bonne à tout faire ". Ensuite, elle a travaillé dans une blanchisserie dans un lavoir. Elle nous explique que ce métier était difficile car il fallait travailler dans la vapeur. 45 mn à 55 mn En 1954, elle rejoint sa mère en Amérique qui s'était remariée avec un canadien américain en 1945. Elle voyage sur le paquebot " Liberté ". Ce voyage représentait une grande aventure et le rêve américain pour elle. Elle se souvient d'être arrivée à New York l'année où les Américains supprimaient les cages de quarantaine pour les immigrés. Elle nous raconte une anecdote sur un cantonnier noir. Elle nous explique qu'il existait un grand décalage entre les modes de vie américains et français à l'époque. La télévision, le téléphone et les taxis étaient déjà développés. Les maisons avaient des broyeurs d'ordures, les voitures avaient des auto-radios. Il existait également une pizzeria alors qu'en France, on ne connaissait pas les pizzas. Elle est restée 6 mois mais est vite revenue parce qu'elle s'ennuyait de sa famille et de sa ville. 55 mn à 63 mn Madame DUBOIS nous raconte l'histoire du bateau-lavoir qui avait été construit vers 1900-1910. Sa grand-mère l'avait acheté en 1927. Ce bateau-lavoir servait de blanchisserie, de bains et avait des baignoires avec de l'eau chaude. Il était divisé en trois bateaux. Le premier accueillait les bains et une salle de travail avec des barboteuses, une chaudière et un cuvier. Il y avait également une essoreuse et une zone de triage du linge qui était marqué à l'encre de chine. On accédait à cet endroit par la ruelle de la Motte sur la quai. Elle nous décrit les différentes pièces du deuxième bateau (chambres, salle à manger, cuisine, salle de repassage). Elle nous explique que le bateau-lavoir était aussi un lieu de rencontre entre les gens qui venaient laver leur linge. D'autres pouvaient aussi laver leur linge directement à la Seine. Elle nous décrit la salle de repassage avec les fers et le poil. Sa grand-mère employait 12 personnes : repasseuses et apprentis. Elle nous dit que maintenant le quai a disparu car le niveau de l'eau a monté. Le quai se trouve actuellement sous l'eau. Le troisième bateau était réservé au séchage du linge. 63 mn à 65 mn Elle nous décrit la circulation des péniches et des remorqueurs sur la Seine. Le transport fluvial était plus intense qu'actuellement, les bateaux stationnaient devant les moulins. Les Mariniers ne naviguaient ni la nuit ni le dimanche. Elle se souvient d'avoir été à la Bourse des Mariniers à Paris pour chercher du fret avec son oncle qui était marinier. Elle raconte une anecdote à propos des pierres emmenées par ses grands-parents pour construire la mairie de Corbeil vers 1905-1906. Elle nous décrit les conditions de vie des mariniers qui étaient très pauvres et qui avaient beaucoup de travail. Les enfants étaient le plus souvent séparés de leurs parents. 65 mn à 70 mn Elle décrit les longues journées de travail de sa grand-mère au bateau-lavoir pour préparer le linge des repasseuses. Elle évoque ses souvenirs de la salle de repassage. Elle nous décrit les éléments de la cuisine de sa grand-mère. Elle nous raconte les problèmes rencontrés lors des crues de la Seine et des tempêtes. Il fallait également casser la glace de la Seine autour du bateau. 70 mn à 74 mn En 1954, Madame DUBOIS nous explique qu'elle rêvait de travailler dans l'usine Crété qui était une grande usine très réputée. A l'époque, elle employait environ 4500 ouvriers (en fait cette usine n'a jamais dépassé 2000 ouvriers). Ses grands-parents y ont travaillé. Finalement, elle a travaillé dans une blanchisserie parce qu'elle voulait rester dans le corps de métier de ses grands-parents. Ensuite, elle a travaillé chez Exona, une usine qui fabriquait des biscottes et qui se trouvait sur le boulevard Jean Jaurès près de la Nationale 7. Elle décrit les tâches de travail dans la chaleur de cette usine. Elle travaillait au " tapis ", c'est-à-dire au ramassage des biscottes pour les emballer tandis que d'autres travaillaient au four et au grillage. Le salaire était petit, beaucoup d'employés faisaient des heures supplémentaires pour compléter les revenus, parfois 13 heures par jour. Monsieur ROBERT était le patron d'Exona. Les moments de pause étaient réglementés. Le travail commençait à 5 heures le matin. Aucune revendications sociales n'étaient permises et il ne fallait pas manger de biscottes. 74 mn à 76 mn Ensuite, elle a travaillé à la Cartoucherie, située sur le boulevard Jean Jaurès qui fabriquait des cartouches et des piles pour l'armée. Les conditions de travail étaient meilleures qu'à Exona. 76 mn à 84 mn En 1961, elle est entrée au lycée de Corbeil au moment où la Cartoucherie a fermé ses portes, en tant que femme de ménage. Elle explique que le lycée a été construit entre 1958 et 1961. Elle travaillait du lundi au samedi, 48 heures par semaine, les heures du samedi étant comptées comme des heures supplémentaires. Les horaires étaient : 6 heures 30 à 11 heures et de 16 heures à 20 heures. Parfois, elle partait à 19 heures. Elle garde d'excellents souvenirs de cet endroit. Elle rencontrait les élèves et les professeurs. De 1961 à 1975, elle travaille au service général. Puis en 1975, elle travaille en tant que magasinier au niveau des fournitures de bureau, fait le ménage et participe à la projection de films. Enfin, elle est affectée à la Documentation où elle fait le ménage, les photocopies et les projections de films. Elle se souvient des discussions avec les élèves après les projections des films. Dans ce lycée, il y avait un internat. 84 mn à 90 mn Elle soulève les problèmes que certains élèves rencontrent. Elle pense qu'ils ont du mal à se structurer car leur vie familiale n'est pas stable. Elle nous décrit l'évolution des mentalités et de la vie scolaire avant et après 1968. Il y a actuellement un problème d'effectifs des surveillants, des personnels d'entretien des locaux et des espaces verts. Elle note également une évolution des problèmes des jeunes. Elle pense qu'avant 1968, l'Etat avait de l'argent mais ne l'a pas bien réparti. En 1968, les choses devaient changer. 90 mn à 93 mn Madame DUBOIS nous explique qu'elle a toujours aimé le Général de Gaulle pour ses actions politiques. En 1969, elle fut très affectée par sa mort et évoque le jour de deuil national. Elle nous explique que les professeurs étaient plus ancrés à gauche mais chacun respectait les idées des uns et des autres. Ses grands-parents étaient également très attachés à une certaine image de la France. 93 mn à 96 mn 30 Elle est également très attachée à la ville de Corbeil. Cette ville n'a pas beaucoup changé à part les nombreux aménagements de la Rive droite. Les veilles maisons, selon elle, devaient être détruites. Elle exprime ses idées sur les problèmes de la société actuelle surtout quand il y a beaucoup de chômage. Elle reste pessimiste sur l'avenir. [coupure] Elle nous dit qu'elle a été décorée de la médaille de chevalier dans l'Ordre des Palmes Académiques. FIN
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Notice établie conformément à la norme ISAD(G), norme générale et internationale de description archivistique (2000), et à la DTD-EAD (Encoded Archival Description), informatisation de la description.
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