Cote/Cotes extrêmes
Date
Organisme responsable de l'accès intellectuel
Description physique
Origine
Modalités d'entrées
versement
Langue des unités documentaires
Notes
Ce fonds a été collecté en décembre 1999 au moment où l'Agence Culturelle et Technique de l'Essonne a déménagé. Il est composé de 107 cassettes audio et de 40 cassettes vidéo VHS et permet de se rendre compte des activités de l'Agence Culturelle et Technique de l'Essonne. 1) 1422W1-107 : Cassettes audio - 1422W1-42 : Collection Naissance d'un département : entretiens oraux réalisés pour monter l'exposition ""Naissance d'un département"" sur les trente ans du département de l'Essonne. - 1422W43-65 : Collection Histoire des Lieux/ Lieux d'histoire à Draveil : enregistrements de conférences. - 1422W73-75 : Collection Journées Petite Enfance à la Médiathèque de Corbeil - 1422W76-78 : Collection Rencontre : la lecture et ses acteurs - 1422W79-80 : L'Orme à Martin - 1422W81-88 : Collection Journées Sciences Sociales et Ethnologie à Chamarande - 1422W89-94 : Collection l'Essonne au temps de la Seconde République à Crosne - 1422W95-97 : Colloque REPT 2) 1422W108-147 : cassettes vidéo VHS - Bibliographie: - ""30 ans d'Essonne, 30 ans de ville nouvelle : la naissance d'une ville nouvelle"", Mémoire de la Ville Nouvelle, Document mémoire n°1, décembre 1998."
Mots clés typologiques
Cote/Cotes extrêmes
Autres Cotes
Date
Importance matérielle
Caractéristiques physiques
Origine
Biographie ou Histoire
Naissance d'un département, interview réalisée pour monter une exposition sur les trente ans du département de l'Essonne.
Présentation du contenu
JEAN-PIERRE BREMAUD - PYRAMIDES - EVRY Collection: Naissance d'un département Forme: Interview réalisé pour monter une exposition sur les trente ans du département de l'Essonne Interviewer : Muriel Genthon Date : 20 novembre 1995.
Monsieur Bremaud nous raconte ses souvenirs comme un des premiers arrivants à Evry et son implication dans la vie sociale dla ville nouvelle. Il habitait notamment le quartier des Pyramides.
Transcription : Jean-Pierre Bremaud : Pyramides livrées à la fin du 1er semestre 1974. J'étais bien au courant de l'ensemble des plans de développement de la ville et j'avais dans mon réseau d'amis d'architectes concepteurs de la ville nouvelle : j'ai beaucoup rêvé sur des diaporamas, des maquettes. De faire partie des gens qui habiteraient la centralité, ça me donnait l'impression que je pourrais, moi avec d'autres, être un acteur de cette ville, qu'elle était dessinée dans les cartons mais qu'on pouvait accompagner les concepteurs et l'infléchir dans telle ou telle direction. Ça me renvoyait une image très positive, forte : j'allais faire partie des premiers habitants de la ville. J'ai choisi l'orientation de mon appartement, très longtemps à l'avance (..), je suis arrivé dans les tous premiers habitants. Les premiers jours sont un peu émouvants lorsqu'on a eu les clefs, on a eu le sentiment d'être comme sur un bateau et de croiser d'autres habitants. Il y avait quelqu'un sur sa terrasse. On lui a fait des signes, on lui a demandé de venir. Il est venu, on a échangé on a bu un café et on a très vite senti qu'il fallait qu'on se relie les uns aux autres, parce qu'autrement ce serait terrible, on était dans un vaste chantier : des grues tout autour de nous. A partir de cette rencontre, on s'est retrouvé dans des locaux de supérette non aménagée... Tout le monde est descendu. C'était dehors. On était là entre gens qui avait projet : à ville-nouvelle, vie-nouvelle : projet social, politique au sens le plus noble, un projet de fraternité de vie : c'était très fort. Pour nos enfants, il y avait un projet pédagogique à aire ouverte, sans cloisonnement entre les classes, ni entre les matières. On disait : on va créer un enfant nouveau, plus intelligent, plus ouvert, plus poète, plus artiste. On s'est retrouvé avec plein de militants. Il y avait des amitiés franco-albanaises, des amitiés de plein de nature. On pouvait militer sur tout. Muriel Genthon : Et vous aviez l'impression d'être des pionniers? Jean-Pierre Bremaud : Oui parce qu'il n'y avait pas de journaux de ville. Il y avait le journal de la ville-nouvelle, mais il nous semblait trop présenter la ville d'une façon un peu lisse. Il y avait aussi des journaux de quartier et on était pionnier dans la mesure où toute personne pouvait parler. On allait massivement aux réunions de la ville-nouvelle, le syndicat communautaire d'aménagement (le SCA), puis a à d'autres réunions pour que l'habitant de base puisse s'exprimer sur des choix de la ville notamment lorsque les communes ont manifesté des fois des velléités de se retirer. On avait créé une association pour la création d'une seule commune qui nous a fait beaucoup réfléchir à ce que c'est qu'une ville et rencontrer d'autres forces sociales pour voir ce qu'on pouvait faire ensemble. On était pionnier dans le sens où on était dans les groupes qui réfléchissaient au 3ème âge, à la petite enfance et qui travaillaient sur les problèmes de délinquance. Il n'y en avait pas beaucoup sur la ville d'Evry, mais il y a un tribunal d'enfants. Il y avait plein de groupes et on était partout, on pensait vraiment qu'à ville-nouvelle, il y aurait vraiment une vie nouvelle, mieux que dans les pays nordiques ou en Suisse au niveau des aménagements de la ville. On allait récupérer dans le monde ce qui se faisait de mieux en terme de réussite, soit sur l'environnement, soit sur la façon de vivre. Muriel Genthon : Mais vous n'avez pas fait que réfléchir. Il y a eu des actions qui ont été faites aussi. Il y a eu des réalisations tangibles? Jean-Pierre Bremaud : Une des réalisations tangibles a été celle qui a été de demander à la ville d'Evry se faire en sorte que les habitants gèrent eux-mêmes leurs maisons de quartier. C'était nouveau dans les années 1975-1976. La ville a accepté que des habitants gèrent un gros équipement, la maison de quartier Jacques Prévert, avec des salariés, avec des espaces très grands. Ça, ça a été quelque chose de gagné par les habitants. On était toujours en train de se poser des questions : que se passe t-il ailleurs, est-ce qu'on a fait aussi bien qu'eux? On avait mis sur pied une rencontre avec les villes-nouvelles à propos de journaux de quartier. Beaucoup de journaux de quartier étaient déjà morts dans d'autres villes. Nous on était encore vivant. On a aussi beaucoup milité entre nous parce qu'à ville-nouvelle, ça ne nous venait pas à l'idée qu'il puisse y avoir une juxtaposition de communes. Ça c'était vraiment la chose incroyable. A ville-nouvelle une seule commune. On a été très actif aux réunions politiques du SAN pour une demande de fusion, on était près de 200 militants. Quelques années après 1974, on demandait l'avis à tous les maires des communes, leur point de vue sur la fusion. Tous étaient d'accord où un jour viendrait où il y aurait fusion des communes. Ils étaient tous pour, parce qu'on prenait un poids spécifique dans la ville et il était de bon ton de dire que nous représentions quelque chose de fort et de nouveau dans la ville. On publiait dans le Républicain le point de vue des maires qu'on rencontrait. On a même eu des écrits du Préfet nous disant que notre demande serait examinée par le pouvoir central et le groupe central des villes-nouvelles à Paris. On avait écrit et invité Rocard à une de nos réunions pour une réforme. Muriel Genthon : Ça nécessitait une réforme en profondeur? Jean-Pierre Bremaud : Oui. On s'est séparé après, parce qu'on a eu le sentiment d'être trompé par les élus. Il y avait des accords verbalisés, mais au niveau des actes ça ne suivait pas. Progressivement les pionniers ont senti qu'on les amusait, de toute façon on ne les écoutait pas. On ne peut pas dire que tout ce qu'on disait était à retenir, mais était sûrement à écouter. Ne pas avoir été écouté a beaucoup jouer sur notre désinvestissement. On a vu aussi partir sur les Pyramides tous les pionniers du départ qui sont allés chercher leur petite maison. Muriel Genthon : Je voudrais que vous me disiez par rapport à la vie quotidienne, ce qui différencie la vie dans n'importe quel autre village. Qu'est-ce qui était différent? Jean-Pierre Bremaud : Ce qui était différent : habitant le centre-ville, très rapidement mes enfants allaient seuls à la piscine, au théâtre, au cinéma, à la bibliothèque, ou acheter une baguette de pain. Il y a donc là la question de la proximité et de la sécurité puisqu'il y a des passerelles piétonnes. Il a fallu les exiger, mais on les a eues. Ce qui a changé aussi, c'est que l'on n'avait plus besoin d'aller à Paris pour aller au cinéma, pas besoin non plus d'aller à Ris-Orangis, ni à Corbeil pour aller au théâtre. Bien que sur le plan du cinéma et du théâtre pendant très longtemps la qualité des spectacles de Ris-Orangis... La culture c'était pas à Evry et aujourd'hui on peut pas encore dire. Il y a des choix et des coûts de films qui font que ça se passe ailleurs. Pendant très longtemps le théâtre ça a été Corbeil : le Campagnol. Ce qui a changé et cela fait partie de la conception de la ville-nouvelle, c'est de permettre aux habitants d'avoir un logement, les loisirs, les biens commerciaux à une distance tout à fait raisonnable, et un maillage de transports en commun qui fait que si l'enfant doit aller à un équipement il y ait un moyen de transport en commun. Il y a quand même un réseau de bus exceptionnel, même dans le monde. Muriel Genthon : Il y avait une vie sociale qui était hors du commun. Jean-Pierre Bremaud : Oui, il y avait beaucoup de vie de quartier, on a essayé de faire des fêtes entre le quartier du Champtier du Coq qui est antérieur aux Pyramides et avec Evry I, mais chaque quartier préférer rester un quartier qui fait ses fêtes pour lui-même. Les fêtes collectives au niveau de la ville d'Evry n'ont jamais pris. Muriel Genthon : Et au niveau de quartier, vous aviez tout de même une vie assez intense? Jean-Pierre Bremaud : Oui, on avait même pour distribuer notre petit journal un tambour major, mais ça s'est fait pas longtemps. Les gens descendaient pour avoir le journal. On reprenait un peu des rituels de la campagne. On n'a pas pu le maintenir. Il y avait une fête de fin d'année scolaire le 24 juin avec le feu, sur la placette à l'intérieur des Pyramides. On dansait, mangeait. C'était quelque chose de très sobrement organisé, c'était se rencontrer. Après sont venues des fêtes très relayées par les enseignants de pédagogie particulière attirés par le projet d'école à aire ouverte, qui s'intéressait autant aux parents qu'aux enfants. On avait des relations autres que scolaires, on avait des réflexions pédagogiques, même des moments de sensibilisation des parents à des conduites pédagogiques sur lesquelles nos enfants seraient sollicités. Muriel Genthon : Qu'est-ce que c'est l'école à aire ouverte? Jean-Pierre Bremaud : C'est une conception où il n'y a pas de cloison au niveau des espaces entre le C.P., le CE1, CE2, il y a des pôles où à des moments donnés on parle de géographie, d'espaces et à d'autres pôles on fait de l'orthographe et les enfants selon leur niveau se dirigent d'eux-mêmes vers tel ou tel pôle. C'est devenu rapidement la cacophonie, progressivement les enseignants qui le demandaient pour des commodités géographiques par rapport à un conjoint ou un autre niveau et c'était plus sur un projet. Progressivement ils ont demandé à ce que l'on remette des cloisons, alors que le projet n'a jamais été expérimenté dans un délai suffisant. Mes filles ont beaucoup aimé aller butiner à droite et à gauche. La scolarité avait une ambiance de fête. Quand l'enfant en avait marre de la géographie ou l'orthographe, il allait voir ailleurs. Maintenant on a mis des murs, mais avant la cour de récréation c'était la place et le soir cela devenait l'espace de jeux du quartier. Il n'y avait pas de clôtures entre les zones. Muriel Genthon : Vous disiez tout à l'heure que vous connaissiez beaucoup de monde. Jean-Pierre Bremaud : Oui, au départ, j'ai fait partie comme les autres des parachutés de province. Je suis de Vannes, c'est pour raisons professionnelles. Je travaillais au Tribunal pour enfants. Appartenir à ce quartier de ville-nouvelle, être sollicité de rencontres avec des gens, de moi-même aller à des rencontres mises sur pied par la ville, donc pour des formations à l'urbanisme m'a fait rencontrer pas mal de personnes et puis je faisais partie d'un courant qui s'opposait à la construction d'une église de centre ville. J'étais en tant que catholique plutôt militant d'église, de locaux collectifs résidentiels (L.C.R.). On s'est beaucoup réuni dans des locaux comme ça et je crois qu'environ deux ans je devais connaître 300 personnes que je pouvais nommer par le nom et prénom. Je crois qu'on a fait partie d'un fort noyau de gens qui avaient à peu près le même âge, à peu près 30-35 ans au moment de ces années là, avec des enfants du même âge, 6-7 ans ou 3-5 ans et autour des enfants, mais aussi la nécessité de se rencontrer, pour ne pas à ville-nouvelle : vie sociale, c'était une vie-nouvelle. C'était la période où la ville avait les moyens de répondre à nos demandes de financement de petits évènements. La ville s'est beaucoup mouillée dans les fêtes du Dragon, on a connu 7 ou 8 fêtes du Dragon. Monsieur Darmagnac racontait l'histoire mythique du quartier à propos du dragon et autour de ce dragon là, il y avait des histoires de princes et princesses. Tous les enfants étaient habillés en prince et princesse, ce qui correspondait bien à leur âge. Les parents jouaient tout à fait le jeux, nous-mêmes on se déguisait et puis on mangeait tous ensemble. On était dehors, une sollicitation de télévision à côté du plaisir d'être en dehors avec d'autres, c'était le plaisir qui était plus fort. Muriel Genthon : Comment vivaient les personnes âgées dans cette ville-nouvelle? Jean-Pierre Bremaud : Dans notre quartier, il n'y avait pas de personnes âgées. Depuis, il y a eu des aménagements de rez-de-chaussée pour les personnes âgées ou handicapées et cela aussi faisait partie des volontés. Muriel Genthon : Et pourquoi il n'y en avait pas? Jean-Pierre Bremaud : Parce qu'on avait laissé nos personnes âgées dans nos provinces, celles qui sont arrivées ensuite dans le Champtier du Coq dans des foyers spécialisés sont arrivées sur des volontés un peu de rêve des aménageurs de la ville qui pensaient qu'il était important qu'il y ait des personnes âgées. Les personnes qui viennent dans ces équipements sont très âgées, il a manqué la tranche d'âge 60-75 ans puisque dans ces foyers-là, ce sont souvent des personnes qui ne peuvent plus vivre seules, sauf au Béguinage à Lisses, où les personnes étaient très ouvertes et puis les enseignants étaient très ouverts vers les personnes âgées où là il s'est créé des choses particulières dans ce Béguinage. Muriel Genthon : Quel était le sens de votre action par rapport à ces personnes âgées? Jean-Pierre Bremaud : Des écoles allaient au moment de Noël faire des fêtes aux personnes âgées. Les personnes âgées allaient souvent peu à l'extérieur pour des raisons de mobilité personnelle et les enfants allaient faire des chansons et les personnes âgées faisaient des gâteaux. Ça partait de la volonté des enseignants, mais il n'y avait pas quelque chose de réfléchi, de construit. Ça venait spontanément qu'il fallait faire des choses comme ça. Il y avait un dessein de faire les choses. Il faut se rencontrer. Muriel Genthon : Racontez-moi comment vous avez fait vis-à-vis de votre ville? Jean-Pierre Bremaud : Je ne sais pas qui était l'initiateur au niveau de la ville-nouvelle, je crois qu'il y a eu la prise en compte que les gens de ville-nouvelle étaient des jeunes couples qui étaient en démarrage de vie de couple et vie professionnelle. C'était beaucoup des classes moyennes. Cependant ça ne roulait pas sur l'or. On avait la possibilité d'aller faire du mobilier pour les aménagements de la maison. C'était la période où on regardait la façon très sobre du mobilier suédois, IKEA n'existait pas. C'était plutôt des jolis briques avec une jolie planche et on faisait des bibliothèques comme ça. C'était l'aire des briques et des planches. La ville-nouvelle avait mis sur pied une véritable menuiserie avec l'équipement d'une grosse menuiserie, avec plusieurs robots industriels, des grosses scies et des enseignants de centre d'apprentissage, qui tous les soirs ainsi que le samedi étaient là pour assurer l'encadrement des néophytes qu'on était. J'ai des amis qui ont fait des éléments de bibliothèque,moi j'ai fait deux lits avec des lattes en bois et puis des cubes pour bibliothèque. La pédagogie de ces gens-là était de laisser partir les gens quand l'objet était impeccablement parfait. C'était en même temps que ça nous procurait de l'équipement un lieu de vie sociale très très sympathique. On rencontrait des gens de Lisses, Bondoufle. Eux, on avait l'impression à Evry, qu'ils restaient dans leur village. C'était dans une partie de la ferme du Bois-Briard. On versait une cotisation ridicule de 50 francs et on payait le bois au prix industriel, on ne payait ni l'enseignant, ni l'utilisation du matériel, c'était fabuleux. Moi j'y suis allé au moins pendant un an et demi pour faire mes lits, plein, plein de soirées, mais c'était sympathique comme tout. Des gens allaient à un niveau très haut de réalisation. Muriel Genthon : Dites-moi un peu comment tout ça a évolué, pourquoi à un moment donné vous avez choisi de partir? Jean-Pierre Bremaud : Je crois qu'il y a eu une usure des premiers habitants, parce qu'au niveau des équipes de la ville, soit de l'établissement public, soit des élus, je crois qu'on n'a pas considéré l'énergie potentielle qu'il y avait chez tous ces habitants. On ne s'est pas appuyé sur eux pour faire des fois passer des grands choix. Rapidement les élus ou les techniciens se sont entourés de leurs propres équipes et ont probablement pris en main sous leur direction des initiatives qui au départ étaient plus ouvertes et venaient d'ailleurs. Progressivement je crois que les habitants n'avaient plus comme chose sur laquelle ils pouvaient agir, pour être caricatural la couleur des poubelles, des bancs, etc... des choses insignifiantes, par rapport au grand dossier, il y a eu progressivement un désinvestissement. Ce n'était plus la peine d'aller au SAN. Ils feraient comme ils voudraient et donc on a commencé à rester un peu chez soi et on a commencé à regarder où on pourrait aller poser sa valise et peut-être envisager de se déclasser. Il a commencé à y avoir des départs, donc des renouvellements de population qui n'ont pas toutes choisi de venir comme celles du départ qui avaient vraiment choisi de venir habiter en centre-ville, dans ce type d'habitat qui était curieux, mais justement puisqu'il était curieux, je crois que je n'aurais pas choisi d'aller habiter dans une barre traditionnelle, mais là il y a eu un grand coup de cœur par rapport à l'architecture et, certains habitants partant, soit ils ont vendu à d'autres qui venaient là plus pour des nécessités professionnelles, parce qu'ils travaillaient à la poste, à la préfecture et donc ils avaient là un logement pas très loin de leur lieu de travail. C'était peut-être plus la commodité que le vrai choix. D'autres co-propriétaires ont mis leur appartement en location donc une autre population est arrivée et on ne s'est plus retrouvé entre pionnier sur des projets de villes, de loisirs, de maillage entre les communes. On s'est retrouvé un peu en tant que juxtaposés. Quand on a constaté qu'on était nous-mêmes entre nous juxtaposés, je crois que ça a accéléré aussi pour moi le désir d'aller souffler ailleurs. Je crois qu'on a été très empêché d'avoir un bilan riche. Donc progressivement on a fait le choix sans se concerter de fuir un peu. Muriel Genthon : Et le quartier a changé. Vous disiez qu'il n'y avait pas le même volontarisme mais au niveau du quotidien dans la vie quotidienne, est-ce que le quartier a changé? Jean-Pierre Bremaud : Oui, progressivement pour résoudre des problèmes sociaux de Paris, Evry a été je crois leader, ça a été un choix politique local et même un choix de coloration pour les élections. On a ouvert je crois les registres d'Evry très largement à plein de cas sociaux qui les premiers n'étaient pas très lourds ou bien pouvaient être assumés par la collectivité ou par le groupe, l'emploi pouvait permettre à ces gens-là d'avoir des revenus, mais progressivement il y a eu plus de familles très nombreuses avec aussi les problèmes scolaires des enfants, le problème de petite délinquance au départ mais en 10 ans nous avons vécu les uns et les autres des cambriolages. Là aussi on a été un petit peu touché dans notre projet de ville-nouvelle un peu particulière où il y aurait magiquement pas de vol, pas de cambriolage et donc on a blindé nos portes et quand on blinde nos portes, il est vrai que symboliquement on se ferme un peu aux autres, il y a l'œilleton pour regarder à travers le blindage. Donc après, il y a eu le passage dans d'autres quartiers pour aussi se préserver, pour aller dans quelque chose de plus petit, de plus proche de la terre et puis aussi une façon de marquer un éloignement peut-être d'un centre qui s'est peut-être un peu moqué de ses habitants. On n'a pas été écouté, on ne s'est pas appuyé sur nous. On était une énergie extraordinaire. Bon et bien continuez, faites ce que vous voulez. Muriel Genthon : Est-ce que vous diriez qu'Évry avec le recul c'était une expérience réussie ou vous avez le sentiment de frustration? Dites-moi un peu votre sentiment. Jean-Pierre Bremaud : Je ne regrette pas du tout les dix années de centre-ville dans les Pyramides, l'ère des pionniers où j'ai appris plein de choses, cette vie sociale chaleureuse, je ne regrette pas du tout ces petits apéritifs, ces pots, ces fêtes, je ne regrette pas les cocktails d'ici ou de là pour inaugurer des petites choses parce que c'étaient des rencontres sociales merveilleuses. Je ne regrette rien, je regrette que les élus de la ville qui pouvaient encore agir sur les techniciens de l'Epevry, que la ville ne soit pas construite avec ses habitants. Je ne dis pas qu'ils sont objectifs, mais ils ont un point de vue, ils peuvent colorer, mettre des couleurs, dirent leurs attentes prioritaires dans tel ou tel domaine qui n'est pas forcément l'attente prioritaire des autres mais là le sentiment de quelque chose de loupé au niveau du dialogue. Muriel Genthon : C'est que les habitants auraient pu influer davantage sur la ville telle qu'elle est aujourd'hui? Jean-Pierre Bremaud : Oui, je ne dis pas parce que c'est un habitant qui parle, il dit la vérité mais je pense aux formations urbanistiques que nous avons eues, grâce à ça on savait mieux lire un plan ou une carte. On disait moins de bêtises après. Mais pareillement pour la gestion de la ville il eut été important avant qu'on entérine une demande d'habitants de permettre à ces habitants-là de mûrir une question, plutôt que dire : vous croyez, écoutez on verra plus tard et puis de ne rien faire. Moi j'aurais aimé qu'il y ait des groupes de réflexion sur la petite enfance, sur les vieux et qu'à partir de ces réflexions-là avec des habitants et bien que des choix se fassent. Ça se fait aussi avec l'habitant qui a mûri. Attention la démagogie : les habitants le demandent, on va le faire, je ne veux pas dire ça, mais je veux dire qu'il y a l'intelligence chez les habitants. Si des fois on peut être étonné de ce qu'ils demandent, il faut absolument mettre un pied un weekend de travail de réflexion, d'élargissement d'expérience avec d'autres villes pour ce soit l'habitant se rende compte que c'est illusoire, soit que les techniciens se disent on peut probablement retenir des choses importantes, de ce que disent les habitants, mais là je crois qu'à habitant il y a passivité, mais nous élus on sait ou nous techniciens nous savons, et qu'il ne peut pas y avoir de dynamique entre les deux, c'est ça qui est étonnant. Ça change je devrais dire : attention à la démagogie de faire de ces demandes un groupe de pressions. Mais écoutons et puis travaillons ! Muriel Genthon : Est-ce que ce ne sont pas ça des élus, est-ce que ce n'est pas des groupes d'habitants qui ont mûri leurs questions? Jean-Pierre Bremaud : Oui mais des fois ils font un peu trop leur affaire des dossiers et on voit comme il y a peu de turn-over dans les équipes municipales et on voit aussi comment à l'heure actuelle malgré les demandes de certains dont je fais partie, par exemple l'achèvement du centre-ville d'Evry avec l'extension du centre commercial, ça demeure un dossier secret et qu'on aimerait bien, nous, voir les dossiers et puis avoir des experts, les voir sous toutes les dimensions, les critiquer, les avaliser, demander des adjonctions, je ne sais pas, ça c'est quelque chose notamment ce centre-ville qui était un petit peu u élément de mesure de.. qui s'accapare quoi? On a l'impression que les politiques disent : tiens nous savons ce qui est bon pour nous et voilà ! Donc voilà l'habitant c'est un passif, il ne sait pas, il ne peut rien dire d'intelligent là-dessus. Moi j'ai déjà demandé à ce qu'il y ait des commissions extra-municipales les plus ouvertes possible et que ces projets-là tournent dans les villes et qu'il soit expliqué, qu'il y ait un travail de fait là-dessus. Il y a eu historiquement des tentatives au moment par exemple de la fusion des communes. On avait été tout prêt d'aboutir. Une exposition qui se trouve heureusement à la mémoire de la ville-nouvelle existe. Il y a des panneaux formidables qui devaient tourner sur toute la ville d'Evry. Et là il y a eu une commande pour réaliser des panneaux faits par une société de communication, qui sont très bien faits. Il y a eu donc une commande de la ville et puis après une peur de la ville et si les habitants se mettaient à réfléchir de ces panneaux-là et si on allait perdre des écharpes. Il y a quatre écharpes, si ça aboutissait à ce qu'il n'y ait plus qu'une seule écharpe, ce serait laquelle qui resterait. Donc il y a une peur de l'habitant, de son intelligence, sachant qu'une ville-nouvelle c'est nécessairement un maillage dès que quelque chose ne va pas bien sur Bondoufle, c'est toute la ville qui en souffre. Si l'université ne va pas bien, et bien ce sont des enfants de Lisses, Courcouronnes qui auront des difficultés à être scolarisés ou autre chose. On est interdépendant et puis on n'est quand même pas une grosse ville si ingérable. La ville-nouvelle ça fait à peu près 80.000 habitants à peine, donc c'est même pas l'équivalent de Versailles donc on ne peut pas dire que ça deviendrait un méga pôle. Je crois que la communication même à l'occasion des 20 ans ne s'est pas faite, l'écoute du point de vue des habitants 20 ans après bien qu'elle ait été sollicitée par des élus de la ville et que des propositions ont été faites et bien il n'y a rien eu, il n'y a pas eu de manifestation. Muriel Genthon : Vous m'avez dit une chose intéressante, c'est que si l'on est parti des Pyramides, c'est que l'image s'est dégradée. Ce rôle de l'image vous paraît très intéressant et très important. Cette image que vous aviez d'Evry a été un moteur. Jean-Pierre Bremaud : Oui, c'est l'image physique. D'abord un peu la dégradation, un très long procès contre Bouygues sur les malfaçons de la Pyramide centrale, l'image physique, l'entretien du quartier qui n'était pas très bien fait. Le quartier des Pyramides, on l'assimilait un peu à la ville-nouvelle, donc une grande déception, donc pour s'y retrouver allons dans quelque chose qui nous renvoie une image plus positive de nous-même et le choix donc a été fait d'être près du bois des Coquibus dans les maisons en briques. Mais c'est bien là une démarche dans lequel le sujet cherche des choses en matière d'image de lui-même à travers l'image de la maison ou du quartier où il habite. Sur la ville d'Evry, il y a la question de l'image. Je ne suis pas sûr que les habitants d'Evry trouve leur ville belle à part la cathédrale, la mairie et la place des Droits de l'homme, mais pour le reste les étudiants de l'INT par exemple disent que la ville est moche. Elle est moche dans son architecture, il y a peu de choses où on peut s'arrêter. Muriel Genthon : Ce qui n'était pas le cas il y a 20 ans. Les gens la trouvaient belle. Jean-Pierre Bremaud : Non, ceux qui ont choisi d'habiter dans les Pyramides faisaient un choix d'architecture innovante, mais progressivement mes amis ou ma famille de province disaient : Ah dis donc c'est dur. Un habitant pour eux c'est la petite maison, la petite cheminée et la clôture tout autour de la maison. Donc ce type d'habitat collectif ils ne l'ont jamais aimé, mais il y a quand même là l'impression de quelque chose de contemporain pour moi qui reste fort, qui reste beau. Muriel Genthon : Qui gêne souvent? Jean-Pierre Bremaud : Oui, les couleurs ont été beaucoup décriées. Donc la volonté de quitter c'était une rupture un peu dans l'image et sans doute dans du rêve un peu soixanthuitard. J'étais à la Sorbonne en 1968, donc il y avait plein de nostalgie qu'on pensait vivre, une vie communautaire. Moi, j'ai été dès le départ un peu triste de voir qu'après le concours des Pyramides, le reste se construisait un peu sur des opportunités, le centre commercial c'est parce qu'il y avait un banquier Balkani qui a dit : voilà, moi j'ai des sous pour faire un truc qui existe déjà à Atlanta. C'est les plans d'Atlanta qu'on va faire sur Evry et on a fait quelque chose qui est d'une laideur. Muriel Genthon : Ce n'est pas tout à fait ce que dit Monsieur Darmagnac. Jean-Pierre Bremaud : Non, il n'y a que la partie Agora, l'agencement du public, du privé, ça c'est très innovant. Ça ne marche pas bien. Muriel Genthon : L'innovation architecturale qui existe sur les Pyramides n'existe pas ailleurs, c'est ce que je voulais dire, ça ne s'est pas refait ailleurs. Jean-Pierre Bremaud : Non, le boulevard des Champs-Elysées est d'une platitude, d'une non urbanité, c'est un boulevard et sur le plan de l'urbanisme les quartiers montrent leurs fesses au centre ville. Ils tournent le dos au centre ville. Le boulevard des Coquibus, on n'a pas à s'arrêter, on n'a pas de bistrot, on ne peut pas acheter un journal, il n'y a rien, c'est circulez, il n'y a rien à voir ! Donc il y a certainement avec l'intelligence qu'on a avec du recul, à repenser le maillage qu'il y a entre les quartiers qu'on fasse une ville au niveau d'Evry même quoi, et non pas des quartiers, on parle toujours en terme de quartier et non pas en terme de ville. Les Épinettes et Aunettes sont bien mélangées entre eux, mais entre les Épinettes et le Parc aux Lièvres, il y a vraiment le fossé de la Nationale 7, mais même entre les Épinettes et le centre ville, il y a la frontière du boulevard des Coquibus qui est traité comme une autoroute urbaine quasiment. Là il y a des choses à casser pour rétablir de l'habitat le long du trottoir, il faut casser des façades peut-être. Des petites touffes de verdure, avec des petites autos qui mesurent en quelques millimètres, on ne voit pas qu'en fait on est en train de faire des ruptures dans la liaison entre le quartier et la ville et on fera de la rupture sociale, c'est dur quand on est aux Epinettes autrement qu'en voiture de venir au centre ville qui est à 10 minutes, donc on y vient pas parce qu'il y a aussi le fantasme d'une voiture brûlée ou je ne sais pas quoi. Muriel Genthon : Est-ce qu'on n'a pas sous-estimé aussi l'utilisation de la voiture dans cette zone-là? Jean-Pierre Bremaud : Si, si, à ville-nouvelle, il y avait les transports en commun propres, les pistes cyclables impossible à prendre, non entretenues dès le départ. Et puis les autres ils vont venir à pied, ils vont cheminer plein de beaux cheminements dans les espaces verts, mais c'était sans compter avec certaines personnes qui le soir dans les espaces font peur aux enfants dans des scénarios un peu curieux. C'était sans croire ça et les espaces le soir, moi je disais à mes filles : il ne faut pas y aller, donc je vais t'emmener à tel endroit en voiture, alors c'est tout près. Muriel Genthon : Vous ne laissez pas vos filles circuler? Jean-Pierre Bremaud : Non, même aux Coquibus, tous les ans on sait qu'il y a eu un exhibitionniste et il y aurait eu tentative de viol. Donc ça c'est vrai que l'urbaniste ne peut pas tout maîtriser ça. Je ne peux pas moi leur en vouloir, quand je n'ai rien vu et eux-même ne voyaient pas les effets de leur choix. Ils pensaient qu'il fallait qu'entre les quartiers ça circule vite, donc on a fait deux fois deux voies comme les Coquibus, les Champs-Elysées, ça va dégager par rapport à la SNECMA. C'est vrai qu'il a eu des heures de pointe où il y a du monde, mais le sentiment d'appartenir à une ville, de temps en temps on tombe sur des îlots qui ont une architecture un petit peu innovante, sympathique. Il y a des fois des couloirs visuels qui sont pas intéressants mais globalement on ne vient pas à Evry pour voir des jolis quartiers ou pour voir la ville, on y vient maintenant pour voir la cathédrale. Muriel Genthon : La cathédrale remplit ce rôle? Jean-Pierre Bremaud : Oui, c'est dans les plaquettes japonaises maintenant, on vient se faire photographier devant la cathédrale, mais s'il n'y avait pas eu l'attraction de la cathédrale, je crois qu'on ne vient pas sauf éventuellement des élèves en géographie architecture qui viendraient voir ce qu'il faut pas aller faire ailleurs. Muriel Genthon : Ce n'est pas le cas de Cergy-Pontoise? Jean-Pierre Bremaud : Non, Marne-la-Vallée aussi a plein d'objets, c'est plus des fois en terme d'objets qui sont passés. J'ai l'impression qu'on a plus, les derniers immeubles qui sont en entrée en ville, vers le canal, je veux parler de ceux qui ont des pizzerias en rez-de-chaussés où j'ai eu l'honneur de déjeuner un soir avec l'architecte, le promoteur, je lui ais dit plein de choses désagréables parce que vraiment faire plus laid dans les années 1970 ! Muriel Genthon : Oui dans quel quartier? Jean-Pierre Bremaud : Boulevard de l'Europe Champs-Elysées. Là il est vraiment d'une platitude, on ne devrait pas accepter. Muriel Genthon : C'est l'architecture de ... Jean-Pierre Bremaud : Oui, c'est cela, vraiment c'est ... Ariane Espace a essayé de faire un peu de rupture, mais ce n'est quand même pas très innovant. J'ai vu construire aussi la banque La Hénin à l'entrée de ville, cette architecture industrielle, on se croirait dans un centre de tri des postes. C'est pas non plus heureux que la poste fasse des choses moches comme ça. L'INT n'est pas mieux, c'est vraiment un château fort. Muriel Genthon : C'est quand même l'architecture des années 1970. C'est la Sofinco, cette espèce de volonté de qualité architecturale est venue un petit peu
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