FONDS AUDIOVISUEL DE L'AGENCE CULTURELLE ET TECHNIQUE DE L'ESSONNE (ACTE 91)

Déplier tous les niveaux

Cote/Cotes extrêmes

1422W/1-147

Date

1984-1998

Organisme responsable de l'accès intellectuel

Archives départementales de l'Essonne

Description physique

146 articles

Origine

AGENCE CULTURELLE ET TECHNIQUE DE L ESSONNE (service producteur)

AGENCE CULTURELLE ET TECHNIQUE DE L ESSONNE (service versant)

Modalités d'entrées

versement

Langue des unités documentaires

Français

Notes

Ce fonds a été collecté en décembre 1999 au moment où l'Agence Culturelle et Technique de l'Essonne a déménagé. Il est composé de 107 cassettes audio et de 40 cassettes vidéo VHS et permet de se rendre compte des activités de l'Agence Culturelle et Technique de l'Essonne. 1) 1422W1-107 : Cassettes audio - 1422W1-42 : Collection Naissance d'un département : entretiens oraux réalisés pour monter l'exposition ""Naissance d'un département"" sur les trente ans du département de l'Essonne. - 1422W43-65 : Collection Histoire des Lieux/ Lieux d'histoire à Draveil : enregistrements de conférences. - 1422W73-75 : Collection Journées Petite Enfance à la Médiathèque de Corbeil - 1422W76-78 : Collection Rencontre : la lecture et ses acteurs - 1422W79-80 : L'Orme à Martin - 1422W81-88 : Collection Journées Sciences Sociales et Ethnologie à Chamarande - 1422W89-94 : Collection l'Essonne au temps de la Seconde République à Crosne - 1422W95-97 : Colloque REPT 2) 1422W108-147 : cassettes vidéo VHS - Bibliographie: - ""30 ans d'Essonne, 30 ans de ville nouvelle : la naissance d'une ville nouvelle"", Mémoire de la Ville Nouvelle, Document mémoire n°1, décembre 1998."

Mots clés typologiques

NAISSANCE D'UN DEPARTEMENT MICHEL BOSCHER - ANCIEN MAIRE D'EVRY.

Cote/Cotes extrêmes

1422W/29

Autres Cotes

27 - Num - 32 - Copie de sécurité 1422W29 - 2006 - 2006 - 27Num/32 (Cote de substitution)

Date

1995

Importance matérielle

00/46/36

Caractéristiques physiques

produit fini, Cassette audio, Interview

Origine

AGENCE CULTURELLE ET TECHNIQUE DE L ESSONNE (service producteur)

AGENCE CULTURELLE ET TECHNIQUE DE L ESSONNE (service versant)

Biographie ou Histoire

Naissance d'un département, interview réalisée pour monter une exposition sur les trente ans du département de l'Essonne.

Présentation du contenu

MICHEL BOSCHER - ANCIEN MAIRE D'EVRY Collection: Naissance d'un département Forme: Interview réalisé pour monter une exposition sur les trente ans du département de l'Essonne Date : 23 novembre 1995 Enquêteur : Muriel Genthon.

Michel BOSCHER, ancien député-maire d'Evry nous raconte ses souvenirs sur la création de la Ville Nouvelle d'Evry.

PREMIERE FACE - Muriel Genthon : Pouvez-vous nous dire comment a été choisi Evry comme préfecture? - Michel Boscher : Chacun savait que le gouvernement entendait promouvoir la division de la Seine-et-Oise qui était devenue un département hypertrophié avec deux millions d'habitants, des difficultés de circulation considérables est-ouest d'où l'idée justifiant cette division. Il s'est agi de créer un département du sud qui est devenu l'Essonne, (lorqu'il a fallu choisir le nom du département, il y a eu des opinions différentes et moi je me rapelle avoir suggéré Seine-et-Orge, en gardant le sigle S et O). Je crois qu'à l'époque on n'avait pas encore déterminé quelle serait la préfecture et c'est un beau jour en 1964 que j'ai été averti par un appel téléphonique du Ministre de l'intérieur, qui était à l'époque Roger Frey, qu'Evry, Evry Petit-Bourg à l'époque, avait été choisi pour être la préfecture du futur département de l'Essonne en même temps que ce serait une ville nouvelle. Roger Frey m'avait dit : "tu prends contact avec Paul Delouvrier qui est l'homme qui va s'occuper de tout ça". J'ai vu Delouvrier une première fois, le contact n'a pas été extraordinaire; moi j'étais maire d'un petit bourg ce qui me convenait parfaitement. Je n'avais pas de raison de penser qu'il était nécessaire d'en faire une grande ville. Finalement on a discuté assez longuement ... Je l'ai revu. Je me suis un peu laissé convaincre, du reste, il l'a dit lui-même ultérieurement : "Finalement Boscher est une tête de lard, mais enfin je suis arrivé à le convaincre !". C'est ainsi qu'Evry a été choisi. Il y avait un double aspect du problème, il y avait le côté politique, géographie politique, c'est-à-dire la scission de la Seine-et-Oise, la création de trois département et notamment l'Essonne, le choix de la préfecture. C'était là l'aspect disons politique. Il y avait parallèlement le choix de la ville nouvelle dans le cadre de ce qui allait devenir le schéma directeur de 1965 et qui comprenait le choix des sites des villes nouvelles : Evry, Cergy-Pontoise, etc. Cette double option s'est faite simultanément. Il est évident que l'une n'allait pas sans l'autre, il n'y avait pas de raison particulière de choisir Evry comme chef-lieu si ce n'était pour en faire une ville importante, puisqu'on a du mal à penser qu'un chef-lieu de département puisse être un village de deux mille habitants. Muriel Genthon : Comment cela vous a-t-il fait réagir ? Michel Boscher : Eh bien vous savez on se laisse séduire. Je me suis investi dans cette aventure, je me suis laissé séduire, je ne vous le cache pas, Delouvrier était très persuasif et puis après tout c'était une grande aventure, c'était assez plaisant : pourquoi pas après tout. Sin on n'avait pas choisi Evry qu'est-ce qu'on pouvait choisir ? On aurait pu choisir une des sous-préfectures qui n'avait pas de vocation particulière à devenir préfecture, notamment Corbeil qui était enserrée dans des limites géographiques très étroites, et qui de plus poltiquement ne donnait pas de garanties d'objectivité totale. J'ajoute que la logique de Delouvrier, s'agissant de l'aménagement de la région, était très convaincante. Je me suis laissé emballer par cette histoire et je m'y suis investi complètement. Pratiquement de 1965 à 1972-1973, je me suis transformé malgré moi en urbaniste, en géographe, en tout ce qu'on voudra. Muriel Genthon : En missionnaire de la ville nouvelle ? Michel Boscher : En missionnaire de la ville nouvelle. J'ai appris des tas de choses. Vous savez c'est un avantage dans le système politique français, quand on vous charge d'une responsabilité pareille, d'être parlementaire, ce qui était mon cas, depuis déjà pas mal d'années : on a une certaine autorité, un certain poids. On peut discuter beaucoup plus facilement avec l'administration, que si l'on est simplement le petit maire rural du coin. L'administration françaises était déjà très "énarquisée" à l'époque; elle a toujours eu tendance à considérer que ceux qui n'en sont pas sont des incompétents. Alors finalement à ce point de vue là... J'ai été très secondé par André Lalande, qui était directeur de l'Etablissement Public qui a été la cheville ouvrière de la mise en oeuvre de la ville nouvelle. Il y avait un tas d'aspects techniques du problème qui m'échappaient notamment toute l'appropriation d'autant que j'en étais le président mais enfin disons que le fonctionnement pratique était tout de même dévolu au directeur, en l'occurence André Lalande. Muriel Genthon : Est-ce que vous savez comment Evry a été choisi, comment ça s'est fait ? Michel Boscher : Non honnêtement, je n'ai jamais sondé les reins et les coeurs. J'ai été averti je vous disais par un appel téléphonique un beau matin, on me dit : "ne quittez pas, le ministre de l'intérieur vous parle", très bien et Roger Frey me dit : "voilà je te préviens que !...". Bon finalement je n'ai jamais cherché à savoir, je n'ai jamais été fouiner pour savoir ce qui s'était dit en conseil des ministres - par définition ça ne se dit pas à l'extérieur - mais enfin je pense qu'il y a eu une série de raisons dans laquelle le fait que j'étais qui je suis n'était pas totalement étranger, mais je ne dis pas que c'était la condition prédominante. Muriel Genthon : Alors ensuite une fois que la ville nouvelle et la préfecture étaient décidées, comment cela s'est passé ? Comment est-ce que les choses se sont passées ? Michel Boscher : Il a fallu d'abord vendre l'idée aux populations du coin. A Evry même j'avais tout de même une grande autorité, il n'y a pas eu de mouvements divers, pas de protestations. J'ai impression que les gens se sont dit : "Boscher après tout, bon c'est peut être pas mal son truc, on va le laisser faire", c'était à peu près ça. Je ne dis pas qu'il y avait un enthousiasme démesuré, mais enfin il n'y avait pas non plus d'opposition. Inversement dans le voisinage, il y a eu évidemment les oppositions politiques à Corbeil et puis, plus tard à Ris-Orangis où le maire des débuts qui n'était pas un de mes "ennemis" politiques, a été remplacé par un maire très à gauche qui n'avait pas les mêmes sympathies pour moi. Plus on s'éloignait du noyau dur d'Evry, plus on trouvait des gens qui étaient effectivement réticents, notamment les maires, je pense en particulier à l'un qui était un homme charmant, maire de Bondoufle, qui se voulait propriétaire de son lopin, et qui ne voulait pas qu'on y mette le nez. A Lisses, ça a été la même chose en plus accentué puisqu'on avait en plus des oppositions politiques. On a pu vendre l'idée de la nouvelle ville assez facilement à Evry, déjà plus difficilement dans les environs, dans les communes voisines, et assez mal dans les plus grandes communes du pourtour, c'est-à-dire essentiellement Corbeil-Essonnes et Ris-Orangis, mais ça s'est fait finalement pas trop mal. Il n'y avait jamais eu de manifestations, drapeaux en tête et défilés devant la mairie en disant "Assez la ville nouvelle". Les gens ont accepté ça assez calmement. Toujours dans ces cas-là, le plus difficile - au début - c'est le problème du territoire, du terrain plus exactement. Personne n'a été gêné; les acquisitions foncières qui ont eu lieu, essentiellement à Evry, ont eu pour interlocuteur un seul et unique propriétaire foncier, qui habitait fort peu sur place, qui n'avait pas au demeurant des liens affectifs très marqués avec la population car il avait eu quelques problèmes pendant la guerre, enfin je passe... Les acquisitions foncières se sont faites à l'encontre de ce seul propriétaire ce qui fait qu'il n'y a pas eu cette réaction qu'il aurait pu y avoir si on avait dit à monsieur Tartampion vous avez 2000 m de terrain, j'en ai besoin pour faire la ville nouvelle ! Ca aurait été affreux. Ce n'était pas du tout le cas. La réaction de la population dans l'ensemble a été très calme en disant : "Bon on verra bien" et puis il y avait quand même une petite fierté parce que ça allait de pair avec le choix de la ville comme chef-lieu. On a eu quand même une petite fierté en disant : "Ah, ah ! on est devenu préfecture. C'est pas si mal !". Voila. Muriel Genthon : Au départ la ville nouvelle était prévue pour avoir un périmètre plus vaste. Comment cela s'est passé ? Michel Boscher : Oh oui vous savez les histoires de périmètres ça a été très compliqué parce qu'il a fallu être assez diplomate pour éviter de heurter de front. On a violé la commune de Lisses, car elle était indispensable mais on s'est arrangé. Ris-Orangis aurait pu logiquement pour une partie au moins être incorporé. On ne l'a pas fait. Bondoufle est venu volontairement. Il n'y a pas eu d'accroc grave. Exemple un peu ridicule, mais enfin qui vous montrera comment on agissait, on a eu à un moment donnée peur d'une réaction défavorable à Evry même du fait de l'existence du cimetière. Le cimetière d'Evry a pour particularité de se trouver au-delà de la route nationale, au milieu des champs. Il était là depuis de nombreuses années et j'ai fait en sorte que le périmètre de la ville nouvelle exclue le périmètre du cimetière d'Evry qui était resté rattaché à l'ancienne commune. C'était une satisfaction purement morale, qui n'avait pas de sens particulier, mais qui allait au devant d'éventuelles protestations disant : "on démanage nos morts". Et puis alors il a fallu également régler des problèmes de voisinage avec Corbeil notamment au plan des ressources financières puisque la taxe professionnelle a une grosse importance et il y avait à Corbeil à la limite d'Evry, la SNECMA qui était un gros morceau. Evidemment on s'est efforcé de faire en sorte que la SNECMA rentre dans la ville nouvelle de manière à avoir la taxe professionnelle, ce qui avait évidemment pour conséquence de gêner considérablement Corbeil. D'où une négociation dont je ne me rapelle plus très bien l'issue, mais je ma rapelle qu'elle a eu lieu. Muriel Genthon : Il me semble que c'était partagé en deux. Michel Boscher : Oui il y a eu un partage. Je ne sais plus très bien le détail des discussions. Muriel Genthon : Qu'est-ce que cela a signifié pur vous la ville nouvelle, quel avenir vous voyiez à Evry ? C'était quand même le modernisme en marche. Qu'est-ce cela voulait dire dans votre esprit ? Michel Boscher : Si vous voulez, je me suis laissé encore une fois convaincre. Le problème, vu surtout en 1960-1965, de l'extension de la région parisienne se posait de manière dramatique, pour quelqu'un qui vivait ou qui a vécu dans cette banlieue, cette grande banlieue parisienne, qui a vu même l'extension d'innombrables lotissements, pavillons en meulière et autres, la destruction des bois de Sainte-Geneviève, que sais-je... Quand on avait un peu le sens des responsabilités, et on l'a forcément dès qu'on s'occupe de la chose publique, il y a toujours quelque chose à faire. Il faut quand même arrêter un peu ça, essayer d'être un peu plus cohérent et un peu plus raisonnable. La préfecture en tant que telle, c'est flatteur, mais ça n'avait pas de sens comme je vous le disait tout à l'heure, s'il n'y avait pas une opération urbanistique, c'est-à-dire la ville nouvelle. Je me suis laissé emballé parce que finalement, c'était très logique, surtout à l'époque où on voyait une région parisienne de 12 millions d'habitants, 10 à 15 ans plus tard - ce qui ne s'est pas révélé exact mais enfin ce n'était pas tellement absurde à l'époque - et on se disait si on ne fait pas quelque chose on va avoir un mitage abominable de proche en proche et on va avoir une espèce de zone pavillonnaire, entrecoupée de barres et de tours d'H.L.M. de ci de là, qui va aller des portes de Paris jusqu'à Corbeil ou jusqu'à Melun. Donc il était temps d'y mettre de l'ordre et c'est peut-être la principale raison intellectuelle qui m'a fait adhérer à cette affaire et à m'investir dedans. Muriel Genthon : Alors comment on devient maire d'une ville nouvelle, comment ça se passe ? Michel Boscher : On ne devient pas, on l'est. Moi j'étais maire d'Evry depuis 1947. Puisque les frontières géographiques n'avaient pas évolué et que les communes étaient restées ce qu'elles étaient, je suis resté jusqu'en 1977 où j'ai été battu par les gens qui étaient arrivés depuis peu et qui n'avaient aucune raison d'avoir pour moi des sympathies particulières, qui ont voté purement politique. C'est comme ça la démocratie, on n'y peut rien ; mais il y a eu une rupture obligatoirement dans une commune qui grandit lentement mais régulièrement, les gens ont le temps de s'assimiler, de connaître leurs élus et de s'intégrer dans un contexte déterminé : vous arrivez à 2000 - 3000 - 4000 - 5000 habitants, et puis tout d'un coup il vous en arrive 10 ou 20.000 d'un seul coup, il est évident que ceux-là n'ont rien à voir avec la population d'origine et par conséquent ils forment une espèce d'entité totalement distincte qui n'a pas les mêmes réactions, ce qui est logique. Muriel Genthon : Elle a grossi d'un seul coup, la ville ? Michel Boscher : Elle a grossi oui, je pourrai pas vous donner des chiffres, ça vous pourrez les retrouver facilement mais disons qu'au fur et à mesure que les quartiers s'élevaient, c'étaient des arrivées de plusieurs milliers d'habitants à la fois, donc ça se faisait très brusquement. Muriel Genthon : Comment s'est passé l'organisation de la ville nouvelle, à un moment donné le problème s'est posé de savoir comment admnistrer une ville nouvelle, comment ça s'est passé ? Michel Boscher : Oh oui vous savez les histoires de périmètres ça a été très compliqué parce qu'il a fallu être assez diplomate pour éviter de heurter de front. On a violé la commune de Lisses, car elle était indispensable mais on s'est arrangé. Ris-Orangis aurait pu logiquement pour une partie au moins être incorporé. On ne l'a pas fait. Bondoufle est venu volontairement. Il n'y a pas eu d'accroc grave. Exemple un peu ridicule, mais enfin qui vous montrera comment on agissait, on a eu à un moment donnée peur d'une réaction défavorable à Evry même du fait de l'existence du cimetière. Le cimetière d'Evry a pour particularité de se trouver au-delà de la route nationale, au milieu des champs. Il était là depuis de nombreuses années et j'ai fait en sorte que le périmètre de la ville nouvelle exclue le périmètre du cimetière d'Evry qui était resté rattaché à l'ancienne commune. C'était une satisfaction purement morale, qui n'avait pas de sens particulier, mais qui allait au devant d'éventuelles protestations disant : "on démanage nos morts". Et puis alors il a fallu également régler des problèmes de voisinage avec Corbeil notamment au plan des ressources financières puisque la taxe professionnelle a une grosse importance et il y avait à Corbeil à la limite d'Evry, la SNECMA qui était un gros morceau. Evidemment on s'est efforcé de faire en sorte que la SNECMA rentre dans la ville nouvelle de manière à avoir la taxe professionnelle, ce qui avait évidemment pour conséquence de gêner considérablement Corbeil. D'où une négociation dont je ne me rapelle plus très bien l'issue, mais je ma rapelle qu'elle a eu lieu. Muriel Genthon : Il me semble que c'était partagé en deux. Michel Boscher : Oui il y a eu un partage. Je ne sais plus très bien le détail des discussions. Muriel Genthon : Qu'est-ce que cela a signifié pur vous la ville nouvelle, quel avenir vous voyiez à Evry ? C'était quand même le modernisme en marche. Qu'est-ce cela voulait dire dans votre esprit ? Michel Boscher : Si vous voulez, je me suis laissé encore une fois convaincre. Le problème, vu surtout en 1960-1965, de l'extension de la région parisienne se posait de manière dramatique, pour quelqu'un qui vivait ou qui a vécu dans cette banlieue, cette grande banlieue parisienne, qui a vu même l'extension d'innombrables lotissements, pavillons en meulière et autres, la destruction des bois de Sainte-Geneviève, que sais-je... Quand on avait un peu le sens des responsabilités, et on l'a forcément dès qu'on s'occupe de la chose publique, il y a toujours quelque chose à faire. Il faut quand même arrêter un peu ça, essayer d'être un peu plus cohérent et un peu plus raisonnable. La préfecture en tant que telle, c'est flatteur, mais ça n'avait pas de sens comme je vous le disait tout à l'heure, s'il n'y avait pas une opération urbanistique, c'est-à-dire la ville nouvelle. Je me suis laissé emballé parce que finalement, c'était très logique, surtout à l'époque où on voyait une région parisienne de 12 millions d'habitants, 10 à 15 ans plus tard - ce qui ne s'est pas révélé exact mais enfin ce n'était pas tellement absurde à l'époque - et on se disait si on ne fait pas quelque chose on va avoir un mitage abominable de proche en proche et on va avoir une espèce de zone pavillonnaire, entrecoupée de barres et de tours d'H.L.M. de ci de là, qui va aller des portes de Paris jusqu'à Corbeil ou jusqu'à Melun. Donc il était temps d'y mettre de l'ordre et c'est peut-être la principale raison intellectuelle qui m'a fait adhérer à cette affaire et à m'investir dedans. Muriel Genthon : Alors comment on devient maire d'une ville nouvelle, comment ça se passe ? Michel Boscher : On ne devient pas, on l'est. Moi j'étais maire d'Evry depuis 1947. Puisque les frontières géographiques n'avaient pas évolué et que les communes étaient restées ce qu'elles étaient, je suis resté jusqu'en 1977 où j'ai été battu par les gens qui étaient arrivés depuis peu et qui n'avaient aucune raison d'avoir pour moi des sympathies particulières, qui ont voté purement politique. C'est comme ça la démocratie, on n'y peut rien ; mais il y a eu une rupture obligatoirement dans une commune qui grandit lentement mais régulièrement, les gens ont le temps de s'assimiler, de connaître leurs élus et de s'intégrer dans un contexte déterminé : vous arrivez à 2000 - 3000 - 4000 - 5000 habitants, et puis tout d'un coup il vous en arrive 10 ou 20.000 d'un seul coup, il est évident que ceux-là n'ont rien à voir avec la population d'origine et par conséquent ils forment une espèce d'entité totalement distincte qui n'a pas les mêmes réactions, ce qui est logique. Muriel Genthon : Elle a grossi d'un seul coup, la ville ? Michel Boscher : Elle a grossi oui, je pourrai pas vous donner des chiffres, ça vous pourrez les retrouver facilement mais disons qu'au fur et à mesure que les quartiers s'élevaient, c'étaient des arrivées de plusieurs milliers d'habitants à la fois, donc ça se faisait très brusquement. Muriel Genthon : Comment s'est passé l'organisation de la ville nouvelle, à un moment donné le problème s'est posé de savoir comment admnistrer une ville nouvelle, comment ça s'est passé ? Michel Boscher : Pendant un bon moment disons que l'organisateur-chef, le bras séculier principal c'était quand même l'Etablissement public. Je ne dis pas du tout que je m'en suis désinteressé, loin de là au contraire mais l'impulsion primaire était celle de l'Etablissement public de la ville nouvelle qui proposait. Il m'est arrivé de refuser des choses, je me souviens très bien avoir dit : "moi je ne veux pas de bâtiments de niveau trop élevé" parce que la mode était encore à l'époque de faire des douze ou treize niveaux. Dans un des quartiers, les Epinettes, le dernier dont j'ai surveillé la mise en oeuvre, j'ai dit non ! pas plus de cinq niveaux, enfin six avec le rez-de-chaussée, parce que je trouvais ça absurde. Le schéma global de la ville a été arrêté en plein accord entre les urbanistes de l'Etablissement public et les élus siégeant à son Conseil d'administration. A l'époque je me suis trouvé aussi rapporteur général du schéma directeur de 1965 au District de la région parisienne. Je m'étais à l'époque entouré de gens intelligents, qui avaient des idées, j'en avais aussi, et ces idées après discussion ont été transcrites dans le schéma directeur. Je les ai plus ou moins appliquées ou ai tenté de les appliquer à Evry, par exemple, le refus des excès de hauteur, l'existence de rues de préférence non rectilignes, au contraire sinueuses, de manière à se rapprocher des anciennes façons de vivre, toute une foule d'idées qui allaient un peu à l'encontre des idées reçues des années 1960-1970 qui venaient tout droit des théories d'Oscar Niemeyer ou autre, qui rêvait de barres et de cubes, d'espaces vides très larges avec de l'herbe d'un côté et du béton de l'autre. Si on les avait laissé faire, ils auraient fabriqué des fausses villes, des villes artificielles. Alors c'est là une des actions que j'ai pu mener, encore qu'on s'entendit fort bien avec l'Etablissement public, notamment avec Lalande et des observations que j'ai été amené à faire, on a finalement beaucoup tenu compte. Muriel Genthon : Avec le recul aujourd'hui, vous pensez qu'Evry est une ville réussie ? Michel Boscher : Je n'y vais guère, mais enfin il m'arrive d'y passer. Je m'y perds d'abord parce que ça été tellement vite que je m'y retrouve plus, mais somme toute, je trouve que ce n'est pas mal. L'idée d'origine de faire d'abord le centre et ensuite des excroissances, des quartiers, a été la bonne idée. L'autre idée était de créer des emplois, en même temps qu'on crée les habitations. Je crois qu'avec ces deux idées là ça a été la raison de ce que je considère à tort ou à raison, comme le succès d'Evry. Je crois que ça n'a pas été partout le même cas. Je ne veux pas jeter la pierre à tel ou tel. Il y en a une qui ressemble beaucoup à Evry dans son concept, c'est Cergy-Pontoise, les autres c'est moins évident et je crois que cette idée de partir du centre, et ensuite construire vers les périphéries a été sage. Maintenant vous savez une ville ça ne se fait pas en 20 ans ou en 30 ans, il faut plusieurs générations pour arriver à asseoir tout cela dans son environnement, à faire que les gens d'Evry ne seront des Evryens à proprement dit que dans quelques dizaines d'années au plus tôt. Muriel Genthon : Et quel sens cela a pour vous le fait qu'Evry soit une préfecture, soit le centre d'un département ? Michel Boscher : Cela ne m'impressionne pas, c'est peut-être "flatteur" parce qu'on y retrouve les centres de décisions. En l'espèce, le choix était assez judicieux parce qu'il n'y avait aucun problème de place pour bâtir la préfecture, pas besoin de démolir un quartier pour la créer. C'est un des points d'attache forts de la ville nouvelle. La ville nouvelle a bénéficié évidemment du fait qu'elle était préfecture par la venue d'activités connexes, le va-et-vient des gens qui se rendent à la préfecture. Il y a eu une espèce de développement concentrique autour de la préfecture qui a joué favorablement pour le sort d'Evry. Muriel Genthon : On dit que c'est vous qui avez demandé à ce que Petit-Bourg ne figure pas le nom d'Evry. Michel Boscher : C'est moi qui l'ai décidé avec le conseil municipal bien entendu : ça faisait un peu tarte ! Petit-Bourg avait très peu d'années d'existence. Evry s'appelait jadis Evry-sur-Seine et il y a eu les confusions postales innombrables avec Ivry-sur-Seine. Mes lointains prédécesseurs, sous les septennat de Sadi Carnot avaient obtenu un décret, changeant le nom d'Evry-sur-Seine en Evry Petit-Bourg en ajoutant le nom du hameau de Petit-Bourg. Evry Petit-Bourg n'existait que depuis 1890, donc le nom n'avait que 70 ans d'âge. Le changement paraissait plus approprié pour un chef-lieu de département. Muriel Genthon : Vous disiez tout à l'heure que c'était un petit peu compliqué l'histoire du partage des responsabilités entre la ville nouvelle et les communes proprement dites en 1970, quand on a voté la loi Boscher. Michel Boscher : Ca a été l'intérêt de la loi de mettre un peu au net les responsabilités : responsabilités de gestion et responsabilités financières. Il fallait bien que la ville nouvelle ait des ressources et par ailleurs il ne fallait pas non plus trop dépouiller les communes des leurs. Il y a eu une espèce d'équilibre à trouver, mais il fallait que ce soit concrétisé par un texte, d'où la loi, qui a survécu. Rocard que je connaissais bien s'intéressait beaucoup aux villes nouvelles, est arrivé ensuite aux affaires et n'a eu de cesse que de changer la loi parce qu'il avait ses idées sur la question. Finalement en dehors des modes de désignation des représentants au deuxième degré, elle n'a pas tellement changé, ce qui fait qu'apparemment elle n'était pas mauvaise en soi. Muriel Genthon : Est-ce que ce n'était pas une espèce de compromis, parce qu'au départ l'idée des promoteurs des villes nouvelles, c'était quand même une suppression des communes ? Michel Boscher : Bien sûr. Dès qu'on touche en France aux pouvoirs locaux, aux institutions locales, on a affaire à des gens qui sont enracinés dans un système qui est celui des anciennes paroisses qui remontent au moyen-âge et l'individualisme communal est extrême. Tout le monde est d'accord pour dire que sur 36.000 communes en France, il y en a 35.000 de trop ! Mais c'est comme ça, c'est pas demain la veille qu'on changera ! La décentralisation permet aux habitants d'avoir leur maire sous la main si je puis dire, et ce n'est pas si mauvais que ça. Il y a des inconvénients, chacun les connaît, mais ceci pour vous dire qu'il fallait trouver un moyen, un moyen terme entre l'efficacité et les traditions. On aurait pu penser qu'en effet supprimer les quatre communes, en faire une nouvelle à la place des quatre autres aurait été la solution idéale. C'est pas évident que ce soit vrai. A l'usage on ne serait peut-être aperçu des inconvénients, ne serait-ce qu'à cause d'une population préétablie qui avait son mot à dire et qui continue à exister. En outre cette solution contrevenait aux usages français, à toute une histoire qui remonte à des siècles, qui confie la gestion des affaires locales aux locaux. Il a fallu trouver une solution intermédiaire : le "syndicat communautaire", une variante des syndicats intercommunaux. Ca a permis d'aspirer vers le haut un certain nombre d'activités qui étaient jusque-là dispersées entre les communes et pour des raisons d'efficacité, qu'il fallait coiffer par un pouvoir sur une zone plus large. Finalement je ne sais pas où ça en est actuellement, je ne m'y intéresse plus guère, mais pendant 20 ans ça ne s'est pas si mal passé que ça. Il y a eu des heurts inévitables mais les maires des communes intéressés se retrouvaient au sein du syndicat communautaire. Ils ont accepté de collaborer très largement. Il y a eu quelques décisions qui ont été prises mais très peu, à la majorité contre une minorité. Généralement à l'intérieur du syndicat communautaire, comme à l'Etablissement public, il y avait un large consensus. Muriel Genthon : L'idée de supprimer des communes, c'était juste une idée comme ça. Est-ce qu'il y a eu une réalité ? Michel Boscher : Non, c'était une de ces innombrables idées que l'on met en avant. Je ne veux pas mettre en cause les brillants énarques, mais c'était le type même de la fausse bonne idée qui logiquement se trouve justifiée, mais si l'on va sur le terrain et que l'on a affaire aux gens du crû, ça ne tient pas la route. Muriel Genthon : J'ai quand même le sentiment qu'il n'y a que des amis des villes nouvelles, vous m'avez parlé de Pisani, était-il isolé ? Vous disiez qu'il a fallu convaincre au début ? Michel Boscher : Pisani n'y croyait pas au départ. Il y avait, et certainement maintenant encore, une carapace extraordinairement résistante de l'administration contre tout ce qui est nouveau. L'administration de ce pays vit sur un acquit. On vit paisiblement dans une espèce de train-train, de routine et on ne veut pas en changer. Un des souvenirs que j'ai en particulier dans ce domaine c'est que lors des fréquentes réunions (c'était un des gros avantages de la formule ville nouvelle), on avait une espèce d'autorité sur les représentants départementaux des administrations centrales, hormis les finances bien entendu. Je me rapelle des réunions avec des gens des P.T.T., de l'éducation nationale, de l'agriculture à qui il fallait arriver à faire avaler une idée qui leur était totalement étrangère. Je vous donne un exemple très précis. Je me souviens fort bien dans les années 1960-1965-1968, il avait été question de construire dans un immeuble qui allait se faire, une école maternelle au rez-de-chaussée. Aussi curieux que cela puisse paraître, à l'époque, ce n'était pas prévu ! L'éducation nationale a poussé des glapissements en disant qu'il y a le règlement qui remonte à Mac Mahon qui prévoit qu'il faut un grillage, des mètres carré par enfant, ceci cela, donc c'est pas possible. On est arrivé à les violer et on a construit à l'époque une des premières maternelles de la ville nouvelle, au rez-de-chaussée d'un ensemble immobilier. Ca s'est admirablement passé, mais il a fallu se battre comme des chiffoniers avec l'administration. Ca n'existait pas, donc ce n'était pas possible. Et ça on l'a vu x fois avec des représentants de ces administrations, des gens parfaitement honorables, qui se trouvaient enfermés dans leur logique, dans ce qu'il croyaient être des obligations et qui devenaient des opposants de fait sur le terrain. Et puis il y a eu les opposants d'idéologie. A l'Assemblée nationale, je n'étais pas très populaire à l'époque. Les provinciaux dans l'ensemble, étaient farouchement hostiles aux villes nouvelles. Ils voyaient dan l'utilisation de crédits pour les villes nouvelles une diminution des mêmes crédits pour leur propre région. En règle générale la représentation parlementaire provinciale était assez hostile aux villes nouvelles. Tout cela a évolué : les villes nouvelles ne sont plus tellement des villes nouvelles, elles rentrent presque dans le giron des organisations normales, ça ne se sent plus tellement. Muriel Genthon : Ils craignent peut-être aussi que le fait d'aménager la région parisienne est une façon d'aspirer encore un peu plus la population. On l'a reproché à Delouvrier en disant que c'était une façon de vider la France. Mihel Boscher : Oui, Paris et le désert français, ça remonte à 1947. Non, je crois qu'on a fait un mauvais procès à delouvrier. Il y avait, sauf à faire ce qu'on pouvait imaginer dans les pays totalitaires où les gens avaient des passeports intérieurs, et où on leur disait : vous n'avez pas le droit d'aller à tel endroit (ce qui n'est pas heureusement le système français) : qu'on pouvait dissuader la venue des gens en région parisienne par des systèmes d'aide économique favorisant l'installation en province d'industries ou d'activités de manière à inverser le courant, mais il n'y avait aucun moyen de stopper brutalement en disant : "Halte là ! ". Je vous rapelle que l'histoire de France fourmille d'édits, d'interdictions du temps des rois; déjà Paris était considéré comme un monstre au 16ème ou 17ème siècle. Il y a eu des édits d'interdiction plusieurs fois sous Louis XIV où on disait : au-delà de la barrière on n'a pas le droit de s'installer. On démolira votre baraque si vous la contruisez. en fait on n'a rien démoli du tout. Devant cette situation, Delouvrier a pris à mon sentiment une décision courageuse qui consistait à dire : on ne peut pas stopper brutalement et par un simple fait du prince, l'extension de la région, faisons le de manière coordonée et intelligente. Je ne circule pas tellement en région parisienne, mais on a le sentiment que l'essor de la région parisienne s'est un peu tassé. On est à 10 millions d'habitants semble-t-il. Mais cette espèce de mitage s'est beaucoup ralenti. a ce point de vue là, les villes nouvelles ont joué un rôle intéressant. Muriel Genthon : Alors vous diriez quand même que c'est une aventure ? Michel Boscher : Oui enfin maintenant ça n'a plus grand sens de dire ça, mais dans la situation d'il y a 30 ans c'était une grande nouveauté. L'urbanisme un peu dirigiste, orienté, à ce niveau-là, était une nouveauté, c'était une chose assez difficile à avaler pour beaucoup de gens et pas facile à réaliser. Muriel Genthon : Je crois que ça été une dernière expression d'un état fort ? Michel Boscher : Oui sûrement. C'était l'époque où le général de Gaulle disait du Plan : "c'est une ardente obligation". Le Plan n'existe plus guère, en tout cas ce n'est plus une ardente obligation. Alors la mentalité des gens a beaucoup changé. Il ne faut pas dire non plus que rien ne peut se faire sans la volonté du prince ou de l'Etat. Il y a des moments, où des situations sont difficilement solubles parce qu'il y a des rivalités d'intérêts, des tas de difficultés qui se font jour, il y a effectivement des moments où il faut que l'Etat intervienne. Ca a eté le cas. Muriel Genthon : Et le fait d'avoir été battu aux élections de 1977 vous l'attribuez justement à la ville nouvelle ou à d'autres circonstances ? Michel Boscher : C'est évident. Quand vous avez affaire à une arrivée massive de gens, qui ne vous connaissent pas... Cela

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