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Cette collecte de témoignages oraux constitue une collection sur le thème du cresson et de la cressiculture. Elle faisait suite à une demande du PNR (Parc Naturel Régional du Gâtinais Français) qui souhaitait conserver et valoriser la mémoire des cressiculteurs de l'Essonne. 17 personnes ont été interviewées du 16 juin au 15 décembre 2004 par Christine Mathieu, archiviste oral aux Archives départementales de l'Essonne et par Yannick Le Chaudelec, chargé de mission au Parc Naturel Régional du Gâtinais Français (PNR). Elle représente 17 cassettes DAT et un témoignage uniquement sous forme écrite.
Les témoignages suivent un questionnaire pré-établi :
A) Présentation du témoin 1 - Nom, prénom et âge du témoin 2 - Etes-vous originaire de la région ? 3 - Quel métier exerçait vos parents ? 4 - Quels métiers avez-vous exercés autre que celui de cressonnier ? 5 - Avez-vous vécu ailleurs que dans la région?
B) Devenir cressonnier 1 - Quels sont vos premiers souvenirs liés au cresson ? Avez-vous grandi dans une cressonnière ? 2 - A quel âge avez-vous commencé à exercer votre profession ? 3 - Avez-vous eu le choix ? (si non, quelle autre activité auriez-vous voulu faire ?) 4 - Avez-vous été révolté de ne pas avoir eu le choix ?/ Etiez-vous heureux de pouvoir exercer cette activité ? 5 - Quelle scolarité avez-vous suivi ? (certificat d'étude, lycée, autres ?) 6 - Auriez-vous aimé faire des études ? 7 - Quelles sont les premières tâches que l'on vous a confiées dans la cressonnière ? 8 - Y-avait-il d'autres enfants/apprentis avec vous ? Quel âge ? 9 - Quelles étaient les conditions de travail lorsque l'on débute dans ce métier ?
C) Etre cressonnier 1 - Pouvez-vous nous raconter comment se déroulait une journée ordinaire sur une cressonnière ? 2 - Combien d'heures passiez-vous par jour au travail ? Temps de pause ? 3 - En quoi consistait le métier de cressonnier ? Y a-t-il de grandes différences avec aujourd'hui ? (gestes, outillages, langage..). Parlez-nous des paniers d'osiers, des genouillères, des planches à couper, des rouleaux à cresson, des cabanes et des abris (des rails Decauville). 4 - Combien étiez-vous à travailler sur la cressonnière ? 5 - Pouvez-vous nous expliquer quel type d'ambiance régnait sur les lieux (convivialité, animosité, rivalité, vie de groupe ou individualisme, ambiance familiale ?) 6 - Avez-vous en mémoire des journées qui vous ont marqués particulièrement (événement exceptionnel, hiver glacial, été caniculaire, autres) 7 - Avez-vous souffert de ce métier et comment faisait-on face à la pénibilité de la tâche ? 8 - Est-ce qu'il existe un parler spécifique aux cressonniers ? (patois, chansons) 9 - Quelles sont les images fortes qui vous restent de ce métier ?
D) Autour du cresson 1 - Quel place tenait la culture du cresson dans le village / canton ? 2 - Le métier de cressonnier était-il reconnu ? 3 - Avez-vous eu un rôle important au sein de la commune (maire, conseiller municipal, autres). Racontez-nous l'ambiance dans les conseils municipaux ? 4 - Vivait-on bien de la culture du cresson ? 5 - Pouviez-vous vous accorder des loisirs et si oui quels étaient-ils (bal, cinéma, congés payés, voyages). Est-ce que la Saint-Fiacre vous dit quelque chose ? 6 - Parlez-nous des fêtes du cresson (reine du cresson, chansons, rallye, stands commerciaux, produits vendus.) 7 - Restait-on exclusivement entre cressonnier également en dehors du travail ? 8 - Quelles relations entreteniez-vous avec le reste de la population du village ? Avec les agriculteurs ? 9 - Quelle image pensez-vous que les habitants se faisaient de vous ? 10 - Aviez-vous des relations avec les autres cressonniers de la région ? (rivalité, entraide, syndicalisme, mariage entre familles de cressonniers ?) Pouvez-vous nous raconter comment se déroulaient les réunions syndicales à Paris, en Essonne, dans le village ? 11 - Votre famille s'est-elle entièrement consacrée au cresson ? Recettes avec le cresson ? (origine, fréquence des repas au cresson) 12 - Comment s'organisaient la vente et la commercialisation du cresson, selon les époques ? Utilisation de moyens de transport (chevaux, chemin de fer, camions, vélos, motos). Changements apportés par le transfert des Halles de Paris à Rungis ? 13- Evolution de la demande et des consommateurs.
E) Conclusion 1 - Etes vous fier d'avoir exercé ce métier ? 2 - Quel regard portez-vous sur cette activité aujourd'hui ? 3 - Quels sont les grands changements que vous avez remarqués sur cette activité ? Les témoignages oraux originaux ont été enregistrés sur cassettes DAT et ont été transférés sur CD Audio qui sont les supports de communication et de conservation (13AV19-42).
Langue des unités documentaires
Mots clés auteurs
Mots clés typologiques
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Importance matérielle
Caractéristiques physiques
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SOUVENIRS DE MICHEL DAUPHIN Le cresson à Maisse. Réalisé par Christine Mathieu, archives départementales de l'Essonne et Yannick Le Chaudelec, Parc Naturel Régional du Gâtinais Français. Date : 25 octobre 2004
25/10/04
Michel Dauphin, cressiculteur à la retraite.
Michel Dauphin, cressiculteur à la retraite, nous raconte ses souvenirs sur sa carrière et sur l'histoire de la cressiculture à Maisse.
Etes-vous originaire de la région ? Oui. Il a toujours vécu à Maisse. Sa grand-mère était née à Courdimanche et son grand-père né à D'Huison-Longueville. Quel métier exerçait vos parents ? Son père était cressiculteur. Son grand-père appartenait à une famille de cressiculteurs. Il s'est installé à Maisse et a créée une première cressonnière en 1909-1910. Après la 1ère guerre mondiale, il a créée une deuxième cressonnière, celle que Monsieur Dauphin a exploité. C'est la cressonnière Le marais du Faucheret [lieu dit]. Sa mère a travaillé sur les cressonnières jusqu'à 69 ans. Elle travaillait comme les hommes : bottelage, entretien. Elle a repris l'exploitation quand son mari est décédé. Quelle scolarité avez-vous suivi ? (certificat d'étude, lycée, … ?) Quels métiers avez-vous exercés autre que celui de cressonnier ? A quel âge avez-vous commencé à exercer votre profession ? Avez-vous eu le choix ? (si non, quelle autre activité auriez-vous voulu faire ?) Il a eu son BEPC et ensuite est allé dans une école d'horticulture à Paris (école Dubreuil). Il a travaillé dans une entreprise de jardins et chez un horticulteur. Ses parents voulaient que leurs enfants aillent à l'école, plus loin que le certificat d'études. Sa sœur a eu aussi le BEPC. Les instituteurs pensaient que les enfants de cressiculteurs n'avaient pas besoin d'aller plus loin que le certificat d'étude pour exercer le métier de cressiculteur. Il a été encouragé par son directeur d'école pour aller plus loin dans les études parce qu'il était bon élève. Il a effectué son service militaire en Algérie pendant 26 mois. En revenant de l'armée, il ne savait pas quoi faire. Il s'est orienté vers la cressiculture pour continuer avec ses parents l'exploitation familiale. Son père ne l'incitait pas beaucoup à travailler à la cressonnière mais sa mère voulait qu'il vienne aider. Il aidait souvent ses parents. Mais il a vraiment commencé le métier après le service militaire, en 1963. En 1971, il y avait une crise dans le métier des cressiculteurs. Beaucoup d'anciens avaient quitté le métier vers 1969-1970 parce qu'ils voyaient que ce métier commençait à décliner. [Création des halles de Rungis]. En 1971, il a fait une formation pour travailler dans une entreprise de jardins et y a travaillé jusqu'en 1980. Son père est décédé en 1973 et sa mère a continué l'exploitation seule avec un locataire. Il est en retraite depuis juillet 2003. Il a trouvé un repreneur et loue une partie de ses cressonnières. Il garde 6 ares pour lui. II] Devenir cressonnier Quels sont vos premiers souvenirs liés au cresson ? /Avez-vous grandi dans une cressonnière ? Avez-vous été révolté de ne pas avoir eu le choix ?/ Etiez-vous heureux de pouvoir exercer cette activité ? Il allait parfois sur les cressonnières pour aider ses parents mais n'était pas franchement attiré par ce métier. Il aidait à rouler le cresson et participait à l'entretien pendant l'été. Il se souvient d'avoir renivelé la cressonnière. Il a repris l'exploitation familiale en 1980 quand sa mère ne pouvait plus travailler. Il ne voulait pas abandonner l'exploitation familiale. Il aurait souhaité continuer dans l'entretien et la création de jardins. Quelles sont les premières tâches que l'on vous a confiées dans la cressonnière ? On commence à apprendre à botteler tout de suite. Il connaissait comment couper et mettre en bottes avant 1963. Il a intégré facilement le métier. Il a eu du mal à être rapide et avoir du rendement. Il était très minutieux et préférait faire de belles bottes que faire du rendement. Il est difficile de former rapidement quelqu'un pour faire des bottes. Il faut bien un mois pour bien faire une botte. Il y a un savoir faire particulier : faire des bottes régulières, avoir le coup de main, le coup de couteau et la rapidité. L'apprentissage se fait sur 6 mois - un an. Quelles étaient les conditions de travail lorsque l'on débute dans ce métier ? Quand il a repris le métier de cressiculteur après 10 ans d'arrêt, c'était difficile de s'y remettre. Le plus difficile, c'était de changer de vie, de retravailler le samedi. On est à son compte mais c'est quand même difficile. Le marché du cresson a vraiment chuté à partir de 1988. III] Etre cressonnier Pouvez-vous nous raconter comment se déroulait une journée ordinaire sur une cressonnière ? Combien d'heures passiez-vous par jour au travail ? Temps de pause ? Le travail s'organise en fonction des commandes à assurer. Le matin, on prépare son matériel : on affûte le couteau, on prépare les brouettes, on prend les liens et on va couper. S'il gèle fort, on attend que le cresson dégèle. Parfois, on fait l'entretien les jours où l'on ne fait pas d'expédition sur Rungis. Il commençait en général à 8 heures jusqu'à 12 heures. Il recommençait vers 13 heures 30 - 14 heures et terminait vers 18 h -19 h. Ses ouvriers travaillaient 9 heures par jour. En hiver, il coupait le cresson jusqu'à la tombée de la nuit et il le mettait en caisse dans les cabanes où il y avait l'éclairage. Au printemps et en été, il lui arrivait de couper jusqu'à 20h-20h30. Il préférait travailler le soir que se lever de bonne heure. Il travaille du lundi au samedi. Parfois, il allait travailler le dimanche. Il préparait la coupe pour les livraisons. Il allait sur les cressonnières pour l'entretien. Il s'organisait comme suit : * le lundi : coupe du cresson * le mardi, une demi-journée de coupe, une demi-journée d'entretien * le mercredi et le jeudi : coupe du cresson * le vendredi : entretien * le samedi : une partie coupe, une partie entretien En quoi consistait le métier de cressonnier ? Y a-t-il de grandes différences avec aujourd'hui ? (gestes, outillages, langage..). Parlez-nous des paniers d'osiers…, des genouillères…, des planches à couper, des rouleaux à cresson, des cabanes et des abris. (des rails Decauville). Comment s'organisaient la vente et la commercialisation du cresson, selon les époques ? Utilisation de moyens de transport (chevaux, chemin de fer, camions, vélos, motos…). Changements apportés par le transfert des Halles de Paris à Rungis ? Evolution de la demande et des consommateurs. La coupe du cresson : il coupait le cresson debout dans les fosses. Il utilisait des claies (planches qu'on met au fond du bassin et qu'on tourne au fur et à mesure de la coupe). Il a utilisé cette méthode quand elle s'est généralisée aux autres cressiculteurs. Il a très peu coupé à genoux mais ses parents et grands-parents coupaient à genoux. Avant, aucun cressiculteur n'aurait voulu qu'on descende à pied dans les fosses des cressonnières. C'était impensable pour les anciens. Pour tourner la planche, ils refusaient que vous descendiez dans les fosses pour le faire. Il fallait revenir sur le bord pour retourner la planche. Il faut reconnaître que descendre dans les fosses abîme les fonds et remue la tourbe. Quand on marche sur la tourbe, les fonds ne sont pas solides. L'entretien des cressonnières : on doit faucher les chemins des fossés, éberger (couper l'herbe sur les berges), ramasser l'herbe dans les fossés et l'évacuer. Mettre l'engrais avec le rouleau à barrettes et à grillages. Il avait sa fierté d'avoir sa cressonnière en bon état. Il passait beaucoup de temps à l'entretien par souci de perfection. Actuellement, il trouve que les cressonnières sont moins bien entretenues. Les chemins sont effondrés et pleins d'herbes. L'entretien demande du temps. Les jeunes cressiculteurs ne font pas les mêmes efforts pour entretenir les cressonnières. Le rouleau : au printemps, quand il fait chaud, il faut rouler le soir pour que le cresson ne soit pas versé. En hiver, le cresson a besoin d'être plus roulé à cause du froid. Le rouleau sert à mettre le cresson dans le bon sens de la coupe. C'est plus facile pour le couper et on a plus de rendement. Actuellement, il trouve qu'on ne passe pas assez le rouleau et qu'on perd du rendement. Les liens d'osier : Dans son enfance, toute la famille fendait les liens d'osier avec des rasoirs à la veillée après le dîner. Il n'y avait pas d'autres distractions le soir. C'était traditionnel dans toutes les familles de cressiculteurs. On écoutait la radio. Après son père a acheté de l'osier déjà fendu. Les voiles plastiques : il a utilisé les voiles plastiques à partir de l'hiver 1983-1984. Il en avait vu à Méréville. Il se souvient que la première fois qu'il a mis les voiles, il est tombé de la grêle. Il n'avait pas pu toucher aux voiles avant le lendemain, le temps que la grêle fonde. Il a été un des premiers à les utiliser dans la vallée de l'Essonne et de l'Ecole. Ensuite, cette technique s'est démocratisée à tous les cressiculteurs. C'est une technique qui vient des maraîchers. Grâce aux voiles plastiques, le cresson est plus beau en hiver. A Méréville, cette technique a été adoptée rapidement parce qu'il y avait beaucoup de jeunes cressiculteurs plus favorables aux progrès que les anciens. A Maisse, beaucoup d'anciens cressiculteurs étaient réticents aux voiles P17. On n'a jamais travaillé comme ça, non !!!. Ils ne voulaient pas se moderniser, ils étaient réticents à tous progrès. Ils avaient appris comme ça, et c'était comme ça jusqu'à la fin de leur vie. A Méréville, ils bâchent tous les soirs. Les cressonnières de Méréville avaient des problèmes d'alimentation en eau pendant l'hiver, c'est pour cela qu'ils ont beaucoup utilisé les voiles. Quant à la vallée de l'Essonne et de l'Ecole, les cressonnières étaient plus fournies en eau. A Maisse, les cressiculteurs bâchent une partie de leurs cressonnières pendant les périodes les plus froides de l'hiver (15 décembre - janvier - février). Cela leur permet d'avoir de l'avance sur la coupe de son cresson. Avant les voiles, on devait rouler le cresson pour le protéger du froid. Il fallait enfoncer le cresson dans l'eau avec les paques, avec les rouleaux en grillage. A cette époque là, on utilisait plus d'eau pour que le cresson soit bien dans l'eau. Quand il gèle, tout le cresson qui est hors de l'eau est foutu. Il est cuit, il rougit. Le cresson était moins beau, il était plus court. Les voiles ont permis d'avoir un cresson plus présentable. On ne vend bien le cresson qu'en hiver, les voiles ont permis d'avoir un meilleur rendement à ces périodes de l'année. La demande de cresson : Les prix du cresson sont très variables d'une saison à l'autre. C'est à partir du 15 novembre que les prix remontent un peu. La demande est toujours la même toute l'année, ce qui fait fluctuer les prix, c'est la baisse ou l'augmentation de la production. Quand la demande est faible et qu'il y a beaucoup de production (septembre - octobre ; à partir de fin mars), les prix chutent rapidement. La société Darbonne : Il travaillait déjà pour Darbonne quand il travaillait avec son père. On avait trouvé un client pour vendre le cresson de fin de saison. On mettait beaucoup de cresson au printemps (20 tonnes) chez Darbonne. Il n'en donnait pas à l'automne parce qu'il n'avait pas d'ouvrier à cette période de l'année. Certains cressiculteurs semaient de bonne heure en juillet pour pouvoir vendre du cresson dès le 1er septembre. Les Halles de Rungis : sur la fin de sa carrière, il n'allait à Rungis que trois jours par semaine : le mardi, le jeudi et le vendredi. On coupe d'avance pour les jours de livraisons. Il livrait la quantité demandée par les commissionnaires de Rungis (commandes). Ce n'était pas la peine de livrer plus que demandé, sinon le cresson était jeté. Il a toujours vendu son cresson à Rungis. Il n'en a jamais vendu sur les marchés. Il n'a jamais vendu aux supermarchés. Il pense que ceux qui vendent actuellement aux supermarchés sont plus gagnants que ceux qui ne vendent qu'à Rungis. Il se tenait au courant des ventes sur Rungis pour prévoir les productions des jours suivants. Les supermarchés : A son époque, les prix des supermarchés n'étaient pas plus intéressants que ceux de Rungis. On devait suivre les commandes des supermarchés dans un délais rapide qui n'était pas toujours évident à suivre parce qu'on coupait le cresson à la main. Parfois, les grandes surfaces commandaient du cresson et annulaient au dernier moment les commandes. Les cressiculteurs se retrouvaient avec du cresson coupé qui était perdu. Au début des années 1980, tout le monde n'était pas équipé de chambres froides. Les Halles de Paris : le transport du cresson s'organisait avec des transporteurs. Il y avait plus de cressiculteurs dans la région. Les camions ramassaient les paniers de cresson tous les soirs. Il allait parfois voir les mandataires sur les Halles quand son père était délégué syndical du syndicat des cressiculteurs. Lors des réunions du syndicat à Paris, rue du Louvre, son père en profitait pour aller voir les mandataires sur les Halles. Relations avec les mandataires : il y avait des réputations qui se faisaient parmi les cressiculteurs. Il y avait ceux qui faisaient de plus belles bottes que d'autres. Les mandataires savaient quel cresson se vendrait mieux. Parfois, on changeait de mandataire pour essayer un autre qui vendrait mieux les marchandises. Son père était avec Minard, Fabre, Beugnon. Chez Klein-Barberot, il n'arrivait jamais à vendre son cresson. Ce mandataire (de la famille Barberot, cressiculteur à Méréville) ne prenait essentiellement que le cresson de Méréville et très peu celui de la vallée de l'Essonne et de l'Ecole. La machine à couper le cresson : il a utilisé cette machine pour couper le cresson en vrac pour Darbonne. Son père a acheté cette machine rapidement après sa fabrication. Il a acheté la 3ème machine fabriquée dès les années 1960. On devait être à plusieurs pour utiliser cette machine, deux pour tirer la machine sur les chemins, un autre pour ramasser le cresson et le mettre sur les brouettes. On devait charger ensuite le cresson dans les camionnettes. Son père embauchait à cet effet du personnel parce qu'il fallait être au moins à quatre pour ce type de tâche. Combien étiez-vous à travailler sur la cressonnière ? Ils travaillaient à deux sur la cressonnière : Michel Dauphin et son père. Sa mère et un autre ouvrier venaient parfois les aider. Sa cressonnière faisait 80 ares. Ensuite, quand il a repris tout seul la cressonnière, il a employé un ouvrier. Sur la fin de sa carrière, il a réduit l'exploitation parce qu'il ne trouvait plus d'ouvrier. Pouvez-vous nous expliquer quel type d'ambiance régnait sur les lieux (convivialité, animosité, rivalité, vie de groupe ou individualisme, ambiance familiale… ?) L'ambiance était au travail. On discutait peu sur les cressonnières. On était chacun dans sa fosse pour couper. Il est assez introverti. Il pense qu'il était assez strict avec ses ouvriers et leur demandait toujours de bien travailler. Il se souvient d'un ouvrier marocain qui était très courageux. Il a appris le métier très rapidement et avait un bon rendement. Il se souvient d'avoir formé des ouvriers à ce métier. Avoir son père comme patron : parfois c'était difficile de travailler en famille. Avez-vous en mémoire des journées qui vous ont marqués particulièrement (évènement exceptionnel, hiver glacial, été caniculaire, autre…) En 1956, il y a eu un hiver très rude. En 1963, en février, il a fait très froid pendant 15 jours. (-15, -18°C). En 2002, en janvier, il a fait très froid pendant 3 semaines. Les bâches s'étaient envolées et les fossés ont été gelés. Le cresson était mort. D'autres cressiculteurs avaient entendu à la météo qu'il allait geler et avaient recouvert les fosses avec les voiles. Avez-vous souffert de ce métier et comment faisait-on face à la pénibilité de la tâche ? Il a eu des problèmes d'arthrose. Mais quand vous êtes à votre compte, le matin, on ne peut pas se dire, je ne vais pas travailler parce que j'ai mal. Il a eu des problèmes de dos, mais il n'avait pas le choix, il fallait travailler. Il a eu également des problèmes de genoux quand il coupait à genoux sur la planche. Malgré les genouillères, il souffrait des genoux. Les genoux sont rouges et l'os touche la planche. Cela déforme un peu les genoux, surtout pour ceux qui ont commencé jeunes. Il a été obligé un moment donné de se remettre à genoux pour couper parce qu'il avait trop mal au dos. Mais dès qu'il allait mieux, il se remettait à couper debout. Il préférait cette position parce qu'il se sentait plus à l'aise. Est-ce qu'il existe un parler spécifique aux cressonniers ? (patois, chansons) On emploie pour la lentille d'eau le mot canille. Il ne souvient pas d'autres mots. IV] Autour du cresson Quelle place tenait la culture du cresson dans le village / canton ? Le métier de cressonnier était-il reconnu ? A Maisse, dans les années 1960, il y avait au moins six cressonnières : celles de Largant et celle de son frère, celle de Leclerc, de Dauphin, et de Lionnet Gilbert. La cressiculture employait du monde dans le village : il y avait au moins un ou deux employés par cressonnière. Avez-vous eu un rôle important au sein de la commune (maire, conseiller municipal, autre…). Racontez-nous l'ambiance dans les conseils municipaux ? Monsieur Leclerc a été élu au conseil municipal de Maisse. Personne de sa famille n'a été élu au conseil municipal. Vivait-on bien de la culture du cresson ? Toutes les années n'étaient pas forcément bonnes. Il se souvient d'années difficiles, surtout quand il fallait payer des ouvriers. Son père employait deux ouvriers avant la 2ème guerre mondiale. Dans les années 1960, les cressiculteurs vivaient bien de la culture du cresson. Dans les années 1980, on vivait encore bien du cresson. A partir du 15 octobre, les prix étaient bons jusqu'au mois de mai. Actuellement, on ne peut plus faire d'affaire au mois de mai, les prix baissent et on a du mal à écouler la production. A cette période là, Darbonne prenait le relais de Rungis. Avant, la haute saison du cresson était plus longue. Pouviez-vous vous accorder des loisirs et si oui quels étaient-ils (bal, cinéma, congés payés, voyages…). Est-ce que la Saint-Fiacre vous dit quelque chose ? Quand sa mère travaillait encore, il réussissait à prendre 15 jours de vacances. Sa mère surveillait les jeunes semis : mettre de l'eau, enlever de l'eau. Quand on est tout seul, on ne peut pas laisser tout seul le cresson. Ses locataires actuels partent en vacances trois semaines et laissent les semis. Monsieur Dauphin pense que si on ne s'occupe pas des semis, le cresson pousse moins vite et moins bien. Il a l'impression de s'être désocialisé quand il travaillait à la cressonnière, parce qu'il n'avait pas le temps d'avoir des loisirs. Actuellement, en retraite, il a plus le temps de sortir. Parlez-nous des fêtes du cresson (reine du cresson, chansons, rallye, stands commerciaux, produits vendus….) Il se souvient de la fête du cresson à D'Huison-Longueville dans les années 1960. Il avait 18-20 ans et allait au bal et il devait fournir le cresson. Elle avait lieu le 1er mai et durait trois jours. Il se souvient que la fête a eu lieu la veille de son départ en Algérie pour son service militaire. C'était le maire et conseiller général de D'Huison, Alexandre Denis, qui avait organisé la fête. Il était directeur du cabaret Mayol. A cette fête, il y avait un rallye automobile et de vélo, une fête foraine. Beaucoup de monde s'est déplacé. Quelles relations entreteniez-vous avec le reste de la population du village ? Avec les agriculteurs ? Quelle image pensez-vous que les habitants se faisaient de vous ? Les cressiculteurs étaient jalousés par le reste de la population parce qu'ils étaient réputés pour bien gagner de l'argent. Certains cressiculteurs se vantaient aussi de bien gagner de l'argent alors que ce n'était plus le cas dans les années 1980-1990. Avant la 2ème guerre mondiale, beaucoup de cressiculteurs avaient des voitures alors que les autres agriculteurs n'en avaient pas. Il se souvient que sa mère (née en 1912) a appris à conduire avec la voiture de ses parents quand elle a eu 18 ans [avant la 2ème guerre mondiale]. Ses parents étaient dans les premiers à acheter des équipements électroménagers [avant les années 1960]. Il se souvient qu'ils ont acheté un réfrigérateur de la marque Frigidaire avant tout le monde. Il se souvient également que tous les voisins venaient téléphoner chez ses parents parce que personne n'avait le téléphone. Aviez-vous des relations avec les autres cressonniers de la région ? (rivalité, entraide, syndicalisme, mariage entre familles de cressonniers… ?) Pouvez-vous nous raconter comment se déroulaient les réunions syndicales à Paris, en Essonne, dans le village … Restait-on exclusivement entre cressonnier également en dehors du travail ? Il existait des réunions locales avec les autres cressiculteurs qui permettaient d'échanger les expériences. Elles se déroulaient à Vayres et à D'Huison au moment où Monsieur Royer était le président du syndicat des cressiculteurs. On se réunissait au café le bol d'air à D'Huison qui n'existe plus actuellement. C'était une réunion avec les cressiculteurs de la vallée de l'Essonne et parfois ceux de la vallée de l'Ecole. Méréville faisait leur propre réunion. Le président du groupement de Méréville était le père de Christian Barberot. L'ambiance était parfois houleuse surtout quand on voulait augmenter les cotisations. On discutait des techniques et des progrès, une partie de l'assemblée n'était pas toujours favorable aux progrès. Il y avait beaucoup de jalousies entre cressiculteurs et peu d'entraide. On ne se voyait pas en dehors du travail. Son père fréquentait les autres cressiculteurs qui étaient ses amis surtout Monsieur Royer. Ils se côtoyaient en dehors du travail. Son père était mieux considéré à Méréville qu'à Maisse. Il aidait Monsieur Royer pour s'occuper du syndicat. Monsieur Dauphin se souvient qu'il participait au calcul du forfait quand il était jeune. Il existait des clans entre cressiculteurs. Ceux de Moigny ont toujours été mis à part des autres communes, même au niveau du syndicat. Les cressiculteurs devaient s'entendre pour choisir un transporteur. Parfois, on n'y arrivait pas et c'était la guerre entre les cressiculteurs. On se retrouvait avec deux camionneurs.... Des clans se formaient contre Monsieur Royer. Avec ceux de Moigny, l'entente était difficile. Ils ne voulaient jamais payer la cotisation du syndicat. Recettes avec le cresson ? (origine, fréquence des repas au cresson) Il mange du cresson de temps en temps. Il n'en raffole pas. Il le mange en salade, en soupe et du cresson cuit comme des épinards avec du beurre à la poêle. V] Conclusion Etes vous fier d'avoir exercé ce métier ? Il n'est pas fier spécialement. Mais il n'en ai pas trop mécontent quand même. Il regrette d'être revenu dans ce métier au lieu d'être resté dans l'horticulture et dans la création de jardins. Il est content d'avoir arrêté le métier parce que cela devenait difficile chaque année du point de vue financier. Son père souhaitait que son fils se mette à son compte dans une entreprise de création de jardins mais il a manqué d'assurance. Quel regard portez-vous sur cette activité aujourd'hui ? Il est pessimiste sur l'avenir de la cressiculture. Il aurait eu un enfant, il ne lui aurait jamais conseillé de continuer le métier. Son père ne le poussait pas à continuer mais c'est plus sa mère qui souhaitait qu'il continue l'exploitation familiale. Il a repris l'exploitation familiale par sentimentalisme. Sa mère a arrêté le métier à 69 ans. Elles'occupait en même temps de sa maison, de ses animaux et des jardins.
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NC Numérisé [substitution:13AV/34;13AV/35/]
sans délais
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Notice établie conformément à la norme ISAD(G), norme générale et internationale de description archivistique (2000), et à la DTD-EAD (Encoded Archival Description), informatisation de la description.
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